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en 1827, et la Halte des Moissonneurs figura au Salon de 1831. Léopold renonça au sujet du Carnaval, et le Départ des pêcheurs de l’Adriatique, qu’il y substitua, fut l’œuvre dernière du grand artiste. La mort seule l’a empêché de peindre les Vendanges, car il méditait ce sujet en travaillant à ses Pêcheurs, ainsi qu’on le voit dans une de ses lettres à M. Marcotte (Venise, 26 juillet 1832) : « Je vous ai parlé de la Toscane pour y placer le sujet de mon troisième tableau, qui est les Vendanges. J’aimerais à m’installer pour cela sur les lieux mêmes où je voudrais trouver mes inspirations. Il y a une petite ville extrêmement pittoresque (San-Geminiano), qui n’est pas éloignée de Volterra, et où la manière de recueillir le raisin est très originale. C’est encore un pays tout neuf, et qui conserve beaucoup du caractère étrusque mêlé à celui de la renaissance, qui plaît toujours tant. Ne pensez-vous pas qu’avec ces moyens on puisse faire une scène intéressante ? Ce serait le repos à la fin d’une belle journée d’automne, et ce moment me fournirait des épisodes intéressans. L’idée m’en paraît philosophique, car c’est dans l’automne de la vie qu’on peut espérer de jouir du repos. Voilà un plan aussi bien arrêté que possible ; mais, pour laisser avec sûreté le champ libre à mon imagination, j’aimerais à mieux connaître le pays où j’ai l’intention de placer cette scène.

Le duc d’Orléans, qui goûtait le talent de Robert, avait d’avance destiné à ce tableau des Vendanges une place dans sa galerie toute moderne, où brillaient maints diamans de notre école : la Françoise de Rimini et la Consolation des affligés d’Arry Scheffer, le Joseph et la Bataille des Cimbres de Decamps, une magnifique Scène orientale du pauvre Marilhat, si cruellement frappé dans toute la force de son talent, les Vaches de Jadin, l’Évêque de Liège et le Doge d’Eugène Delacroix, le Michel-Ange de Robert Fleury, et enfin, sans parler d’un de ces chefs-d’œuvre microscopiques où Meissonnier rivalise avec les meilleurs Flamands, l’Assassinat du duc de Guise de Paul Delaroche, et l’OEdipe d’Ingres, tableau à côté duquel devait plus tard se placer sa Stratonice.

Le pèlerinage à la Madone de l’Arc, qui a pour but d’appeler sur la terre les bénédictions de la Vierge, a lieu aux fêtes de la Pentecôte, à la chapelle d’un village distant de quelques lieues de la capitale. C’est une de ces solennités qui participent à la fois du paganisme et du christianisme, et où l’ardeur du plaisir se mêle aux pratiques dévotieuses. Ces jours-là, tout le populaire de Naples est en ébullition comme son Vésuve, dont il est si fier. Des hommes, des femmes, des enfans, revêtus de leurs plus beaux habits, habits presque orientaux par la forme et par l’éclat des couleurs, montent sur un char attelé de ces magnifiques bœufs gris à grandes cornes de la Romagne, dignes de descendre des bœufs du Clitumne. Les mains sont chargées de thyrses