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reposant dans la campagne de Rome, deux Religieuses effrayées du pillage de leur couvent par des Turcs, un Brigand en prière avec sa femme, et la Mort d’un brigand, — compositions austères, exécutées avec une grandeur de faire et surtout une profondeur de sentiment dont Léopold seul avait donné l’exemple à l’exposition de 1824. . Lors de l’incendie de Saint-Paul-hors-les-Murs, il avait fait beaucoup d’études sur place. Il exécuta, en 1824, d’après ces motifs, un intérieur des ruines de cette basilique, le lendemain de l’incendie. Le sculpteur Thorwaldsen en fut si enchanté, qu’il lui en demanda une répétition[1].

En novembre 1825, Léopold termina pour l’ambassadeur de France, le duc de Laval, un tableau dont les figures ont plus de deux pieds, et qui fut fort goûté. Il parle ainsi de cette composition à son ami Navez : « C’est une femme de l’île de Procida, sur le bord de la mer, qui attend son mari. La fin de la journée annonce un orage. La mer, qui est très grosse, lui donne des craintes ; elle tourne la tête pour chercher au loin la barque qu’elle désire ; un jeune enfant dort près d’elle. Je crois que le sujet se devine assez : du moins, je n’ai jamais eu besoin de le dire. »

Un petit tableau représentant des Chevriers des Apennins pansant une chèvre blessée avait été composé par Léopold pour le peintre Gérard en 1824 ; deux ans plus tard, il lui envoya de Rome une seconde peinture Une Mère pleurant sur le corps de sa jeune fille exposée. C’est un usage touchant des états du pape, usage plus pittoresque encore aux pays de montagnes où les costumes se conservent mieux dans leur pureté traditionnelle, d’exposer les morts à visage découvert, dans la maison mortuaire, jusqu’à ce que les confréries les emportent à leur dernière demeure. Robert avait été plusieurs fois témoin de ces tristes scènes, et il a fait une répétition de ce petit tableau pour un amateur distingué des arts, M. le général baron Fagel, ministre des Pays-Bas à Paris. Gérard fit une critique fort délicate de ce dernier tableau, qui offrait les mêmes qualités et les mêmes défauts que les précédens[2].

  1. « Le tableau est assez grand. Il n’y a pour ainsi dire pas de figures. Je me suis fort amusé à le faire, parce que c’était une occupation nouvelle pour moi de faire des lignes droites et des colonnes… Je ne m’en crois pas davantage pour cela un Bramante, ni même un Perrault ou un Mansart. » Robert à Navez, 1er et 7 août 1824.
  2. « D’après ce dernier ouvrage, » écrit-il à Robert, dont il commence par louer la composition simple, noble et touchante, » je crains franchement que vous n’adoptiez une manière un peu rude, non par l’excès du fini, mais parce que les contours semblent peints à sec. Les plis de la manche de la mère ont quelque raideur, et la tête est peut-être trop virile. Je suis ennemi de la beauté systématique ; mais dans toutes les classes et à tous les âges il y a, surtout chez le peuple que vous savez si bien peindre, un genre de beauté relative que vous pouvez mieux que bien d’autres découvrir et retracer. Enfin, permettez-moi de vous rappeler que c’est au dessin et au caractère que vous avez su donner à ce genre, qu’on avait traité un peu trop négligemment avant vous, que vous devez la réputation bien méritée dont vous jouissez. »