Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 24.djvu/376

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

remerciemens ne dois-je pas vous faire, lui répondait de Neufchâtel le malheureux artiste, pour vos excellens conseils ! J’ai la fièvre du travail : c’est mon idée unique, c’est toute ma réponse. Ma santé est excellente, et je ne crains pas d’entreprendre un nouveau voyage. J’ai toutefois l’espérance de ne pas être seul. Quant à un attachement, je n’y pense point, et je n’en ai aucun ; mais je vous assure que, dans toutes les circonstances de ma vie qui ne seraient pas calmes ni naturelles, je vous demanderais vos conseils, assuré que, si je les suis, je travaillerai à mon bonheur. Quand je ferai un nouveau voyage, peut-être penserai-je sérieusement à m’établir. Que ne puis-je vous dire combien je suis attendri que vous vouliez bien vous occuper de mon bonheur ! Je me réserve de vous en dire plus long à ce sujet dans une nouvelle lettre. Je dois me borner, pour le présent, à vous faire observer que cette époque n’est pas engageante pour prendre une détermination à l’égard du mariage ; elle changera, je l’espère. »

De Neufchâtel, Léopold retourne à Florence pour y revoir une fois encore la princesse Charlotte avant de s’établir à Venise : « Me voici enfin à Florence, écrit-il à M. Marcotte (4, 6 et 22 décembre 1831), après dix jours d’un voyage assez fatigant… J’ai trouvé toutes mes connaissances assez bien portantes ; mais je remarque que la politique est capable d’opérer bien des changemens. Des relations particulières que j’ai eues ici, il ne me reste plus que celles de gens mutuellement mécontens de leur manière de voir, ce qui jette beaucoup de froid dans les rapports…

« Plusieurs personnes, qui ne vous connaissent que par votre réputation et votre beau caractère, m’ont demandé de vos nouvelles aussitôt que je les ai vues, ce qui m’a fait grand plaisir. Parmi elles est le comte de Ganay, qui est un charmant homme, franc et loyal. La princesse Charlotte et sa famille se sont également informées beaucoup, non-seulement de vous, mais de tous les vôtres. J’aime à saisir cette occasion de vous dire, cher et excellent ami, que les rapports que j’ai et que j’aurai toujours avec cette famille n’auront rien que de très simple. J’ai trouvé ces dames mieux que je ne les avais quittées, et même la princesse Charlotte, pendant mon absence, s’est fait d’autres occupations qu’elle préfère à celles que nous avons eues ensemble. Elle s’occupe de littérature, et cherche à voir tous les hommes qui se distinguent un peu dans un genre ou dans l’autre. Je suis bien content, je vous assure, d’avoir sous les yeux un exemple de ce que le temps peut faire pour diminuer la plus grande douleur…

« Ces dames ne sortent pas du tout. Leur société m’est très agréable, parce qu’elle est douce, et que les conversations y sont plus instructives et plus de mon goût que celles qu’on entend dans bien d’autres maisons. Elles ont beaucoup d’esprit. Mlle de Villeneuve est une personne