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compositions pittoresques[1]. Ce travail marchait activement au milieu des conversations et des lectures du soir, quand tout à coup, la première insurrection de la Romagne venant à éclater en 1831, le prince Napoléon, entraîné par son frère, le prince Louis, se jeta comme volontaire parmi les révoltés, et fut atteint d’une maladie violente dont il mourut subitement. Cet événement funeste rendit la présence de l’artiste plus nécessaire à la jeune princesse Charlotte, pour laquelle il peignit un portrait de son mari d’après de petites miniatures, les seuls souvenirs qui en restassent, et c’est à la suite de ces redoublemens de soins de tous les instans, d’attentions délicates, de tendre confiance, de larmes versées et recueillies, que le malheureux, à qui l’honnêteté de ses principes comme l’humilité de sa naissance n’avaient pas permis de s’avouer jusqu’ici ses sentimens, en reconnut tous les progrès et les ravages.

On peut, dans un grand nombre de lettres éparses, adressées à MM. Marcotte, Jesi et Schnetz, suivre la marche insensible des vives préoccupations qui assiégèrent dès-lors son esprit. Les premières de ces lettres que nous aurons à citer sont de l’époque où Robert, venant de Rome et se rendant à Paris, passa par Florence pour y revoir la princesse.


« A M. Schnetz, Florence, 11 mars 1831.

« Notre voyage vers cette ville a été fort heureux et très intéressant ; car nous avons traversé les troupes papales et les constitutionnelles, et je t’assure que j’ai remarqué des choses très pittoresques. Tu le concevras facilement avec ces beaux fonds de Nepi, de Civita-Castellana, d’Otricoli, et des groupes qu’on n’y avait jamais vus peut-être, et qui semblaient en vérité plutôt faits pour la peinture que pour la défense ou la conquête de l’état. »


« A M. Marcotte, Florence. 22 mars et 18 avril 1831.

« Je suis fort agréablement dans cette ville intéressante. Les habitans m’en plaisent beaucoup. Ils sont sans contredit meilleurs qu’à Rome, par exemple, où j’ai fait un si long séjour. Pourtant les peintres ne peuvent, à mon avis, trouver ici ni le pittoresque, ni le caractère qui se conserve si fortement prononcé de l’autre côté de l’Apennin…

  1. C’étaient de grands paysages de fantaisie lavés à l’encre de Chine et à la seppia, que le prince Napoléon composait et exécutait, et dont Robert faisait les figures. La princesse Charlotte les lithographiait ensuite. Il y a une douzaine de planches, imprimées chez Salucci. Elles portent les trois noms des auteurs : Napoléon, inv. ; Robert, fig. ; Charlotte, lith. Les figures de Robert sont des moines, des paysans. La plupart des motifs ne sont pas bien neufs, et se retrouvent soit dans les lithographies qu’il a exécutées lui-même à Paris et en Suisse, soit dans ses tableaux. Léopold, dans le cours de ces soirées studieuses, avait fait aussi au lavis, au crayon et à la plume, de nombreux croquis pour la princesse Charlotte et pour Mlle de Villeneuve. C’étaient des têtes, des compositions quelquefois fort avancées et d’un beau caractère. Le recueil de ces dessins est assurément fort précieux, venant d’un homme qui s’est si peu livré à la fantaisie.