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population de l’extrême Orient, et il ne sera extirpé que par des efforts combinés que nous appelons de tous nos vœux.

Les possessions néerlandaises des Indes orientales ont eu, comme l’Europe, leurs émotions politiques. Les événemens de février et leurs premières conséquences ont été connus à Batavia dès le mois de mars. Les démonstrations du parti libéral, les prétentions peut-être exagérées qu’il annonçait dans son enthousiasme, ont alarmé le gouverneur-général, et l’ont déterminé à prendre des mesures extraordinaires de précaution. Il a cependant autorisé une réunion des progressistes, et le résultat de cette réunion a été la rédaction d’une pétition au roi des Pays-Bas dont le but principal est l’abrogation des statuts qui interdisent aux jeunes gens nés dans la colonie l’accès des emplois publics, à moins qu’ils n’aient été élevés dans les universités des Pays-Bas. Des événemens d’une portée assez grave sont venus compliquer la situation du gouvernement colonial. Une seconde expédition, dirigée contre les Radjahs réfractaires de l’île de Bali, à l’effet de les obliger à observer les traités qui leur avaient été imposés en 1846, a échoué. Les Hollandais, après avoir emporté d’assaut une des formidables redoutes élevées par les Balinais, n’ont pu s’y maintenir faute de munitions. Le gouvernement colonial ne saurait se résigner à laisser impuni cet affront subi par ses armes. C’est à la fois une question d’honneur, de sécurité présente et d’avenir. L’opinion en Hollande s’est fortement prononcée pour la reprise des hostilités, et Bali devra tôt ou tard se soumettre à la domination de Java.

Sur d’autres points de l’archipel oriental, le gouvernement néerlandais est aux prises avec des difficultés moins sérieuses. Sumatra est tranquille, et on ne s’occupe que du développement des ressources agricoles. À Bornéo, le voisinage inquiétant des établissemens anglais de Laboean et Sarawack fait sentir aux Hollandais la nécessité de tirer tout le parti possible des avantages naturels que leur donnent la possession prolongée de certains points importans et leurs relations avec un grand nombre de princes indigènes. Célèbes s’efforce de profiter de la mesure tardivement libérale qui a déclaré Macassar port franc à dater du 1er janvier de l’année 1847 ; mais l’organisation défectueuse du système financier de Java rend les remises difficiles, et le commerce intérieur qui alimente les exportations est momentanément languissant par suite des hostilités qui ont éclaté entre le roi de Boni et celui de Sopeng. On se berce à Macassar de l’espoir que des expéditions s’organiseront prochainement en France et en Belgique, à l’effet d’exporter sur ce point les produits des manufactures de ces deux pays. Il y aurait là, en effet, pour notre industrie un important débouché. Malheureusement l’état du crédit semble interdire, pendant quelque temps, au commerce français toute opération de cette nature. Il est à espérer qu’avec le retour de la confiance, l’attention de nos commerçans se portera de plus en plus sur l’archipel oriental et sur les possessions néerlandaises.

J-Y.


V. de Mars.