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de sang… » Nous citons au hasard. Mille autres proclamations dans le même style s’étalaient sur les murs de Palerme, dans les colonnes des journaux et jusque dans celles de la gazette officielle. Le gouvernement faisait appel au courage et à l’énergie de la population en des termes non moins exaltés ; mais, la part faite à la jactance méridionale, il faut reconnaître qu’il s’occupa sur-le-champ et avec activité des mesures les plus urgentes pour mettre le pays en état de défense. La garde nationale avait été organisée dans le courant de l’été et armée en partie. On décréta qu’elle serait mobilisée, que les enrôlemens seraient ouverts pour les volontaires et que sept camps seraient formés à Milazzo, Taormina, Catane, Syracuse, Girgenti, Trapani et Palerme. Le ministre de la guerre fut nommé généralissime, une commission extraordinaire instituée pour aller dans les provinces appeler le peuple aux armes, tous les chevaux et mulets mis en réquisition, et, en attendant, un emprunt sur l’argenterie des églises et des couvens devait fournir les premières ressources.

Sur ces entrefaites, le télégraphe signala l’attaque de Messine par les troupes royales. Les détails du bombardement et du sac de cette ville ont été quelque peu exagérés. Des renseignemens exacts constatent que les Messinois ne se sont pas tout-à-fait comportés en cannibales, et n’ont point fait sauter leur ville et avec elle toute l’armée ennemie, comme le bruit en avait été répandu. L’attaque acharnée des Napolitains et la résistance désespérée des habitans n’en ont pas moins donné lieu à des scènes déplorables. Repoussés avec une perte considérable dans une première tentative de débarquement à Mare-Grosso, les Napolitains ont, pendant quatre jours, dirigé un feu nourri, non sur les forts occupés par les Messinois, mais sur la ville elle-même. De son côté, la citadelle, seul point qui fût resté au pouvoir du roi de Naples, n’a cessé de jeter des bombes qui ont incendié et ruiné de fond en comble les magnifiques quartiers de cette ville opulente. Messine est ouverte du côté de la mer ; elle n’avait qu’une faible garnison. L’armée napolitaine, quatre fois plus nombreuse, pouvait, avec un vigoureux effort, s’en emparer. Ce bombardement, prolongé pendant quatre jours, dénote, de la part des assaillans, l’intention de châtier plutôt que celle de soumettre ; leur succès a été complet. Lorsque les chaloupes napolitaines ont débarqué à la plage de la Contessa, le faubourg de ce nom, toutes les maisons qui bordent la route de la mer aux portes de Messine et une partie de la ville avaient cessé d’exister ; un petit nombre de Messinois vendaient chèrement leur vie derrière les décombres fumans de leurs demeures ; cinq mille familles s’étaient sauvées dans les montagnes, et des milliers de blessés, de femmes et d’enfans se pressaient à bord de l’Hercule, du Bull-Dog et du Panama, mouillés en rade, et sous la protection de notre pavillon au consulat de France. Que l’exaspération des Siciliens ainsi écrasés sans pouvoir riposter avec avantage soit montée à son comble et les ait rendus cruels pour les prisonniers qui sont tombés entre leurs mains, il n’y a pas lieu de s’en étonner. Les représailles ne se sont d’ailleurs pas fait attendre. Le massacre, le viol et le pillage ont marqué l’entrée des Napolitains dans la ville, et les ordres sévères du général Filangieri n’ont rien empêché dans les premiers momens.

Un succès si chèrement acheté donnait au général Filangieri la mesure de la résistance qu’il allait rencontrer dans la suite de son expédition ; aussi s’est-il empressé de publier une proclamation annonçant un pardon général, la suspension