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a-t-elle conclu, afin d’éviter toute méprise fâcheuse, que les contractions du cœur sont définitivement arrêtées, et que la mort est réelle, si, l’oreille étant appliquée, pendant cinq minutes au moins, sur chacun des points de la poitrine où les battemens du cœur peuvent être perçus, nul bruit ne s’est fait entendre. D’ailleurs, cet état entraîne bientôt avec lui la perte complète du sentiment et du mouvement, ainsi que l’arrêt de la respiration, nouveaux signes qui rendent le premier d’autant plus sûr.

Il est facile de comprendre, d’après ces données, que l’homme de l’art peut seul reconnaître d’une manière positive l’état de mort réelle ou apparente. Comment, en effet, interroger avec l’oreille les derniers battemens du cœur, si l’exercice de l’auscultation n’a préalablement familiarisé l’observateur avec les doubles pulsations qui se font entendre dans l’état normal ? Avant la découverte de Laënnec et l’application que vient d’en faire M. Bouchut, le médecin ne pouvait constater que plus ou moins tardivement la mort complète et réelle ; mais tirer, comme l’ont fait quelques savans timorés, de cette imperfection de la méthode scientifique des argumens contre son infaillibilité, c’était aller trop loin et donner raison aux plus ridicules écarts de l’imagination populaire. Tout le monde connaît les histoires fort peu vraisemblables qui sont nées de cette défiance absurde que la science n’a jamais méritée. Ces histoires ont été assez souvent réfutées pour que nous jugions inutile d’y revenir. A l’époque même où la physiologie n’avait pas découvert le moyen de constater la mort avec le plus de rapidité et de précision possible, elle fournissait encore à l’homme de l’art assez de lumières pour que des erreurs déplorables ne fussent point à craindre. Aujourd’hui, rien ne justifie plus ces alarmes de quelques esprits frivoles. C’est à la France, il est bon de le rappeler en finissant, que revient le double honneur d’avoir, la première, posé le problème des signes de la mort sur le terrain scientifique, comme de l’avoir, la première aussi, scientifiquement résolu. Espérons que cette découverte encouragera nos physiologistes, et qu’une science représentée dans notre pays par tant de noms illustres ne tardera point à s’y relever après quelques années de sommeil.


Une discussion violente dans ses termes, regrettable dans ses effets, s’est engagée récemment au sein de l’Académie des Sciences, et de là retentit aujourd’hui dans le monde savant. La guerre, sourdement conseillée par ceux-là même qui, au moment décisif, se sont tenus le plus à l’écart, a été déclarée, non sur une question de territoire, mais sur une part du ciel. C’est dans l’infini de l’espace que se trouve le champ de bataille ; les combattans sont M. Leverrier, le géomètre, et M. Babinet, le bibliothécaire de l’Observatoire. Dans ce temps où rien n’échappe à la critique, où tout se conteste, même les chiffres, nous pouvions nous attendre à voir la discussion s’acharner à l’un des plus beaux résultats de l’analyse, la découverte à priori d’un astre nouveau. On se souvient que, sans partager l’enthousiasme passionné du célèbre directeur de l’Observatoire, sans essayer, comme on l’a fait, d’abuser l’opinion en présentant ce grand résultat comme sans précédens comparables dans la science, nous avons, au contraire, simplement raconté l’histoire de la découverte, et fait remarquer, en rapprochant le travail de M. Leverrier des recherches d’Obers, l’analogie des méthodes adoptées par ces deux astronomes pour appliquer à la connaissance des mouvemens