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monarchie constitutionnelle dépendante. » Les actes étaient conformes à cette doctrine ; la diète envoyait un député à Paris et un autre à Francfort, pour lier des rapports directs avec les gouvernemens étrangers et pour réclamer les secours du pouvoir central allemand. Le député Szàlay, à Francfort, représentait que l’armée autrichienne, composée d’un certain nombre d’Allemands, mais surtout de Croates, de Slavons, d’Italiens, ne pouvait être considérée comme une force militaire allemande ; qu’elle était, par sa nature, dangereuse à la liberté germanique ; que l’Allemagne avait donc, de concert avec la Hongrie, intérêt à provoquer la séparation des diverses nationalités dont se composait cette armée, en d’autres termes, à demander la dislocation de l’empire. Pour prévenir les dangers qu’il signalait, l’envoyé hongrois demandait la médiation et les secours de la diète allemande, non-seulement contre la Croatie, mais au besoin contre le gouvernement impérial.

On voit que les démarches tentées par la diplomatie hongroise étaient peu d’accord avec les espérances que la diète avait pu donner au début, en promettant des secours à l’empereur. Est-ce cette double action du ministère hongrois, poursuivant non-seulement une politique séparée, mais hostile, qui poussa le gouvernement autrichien à se prononcer plus nettement en faveur du ban de Croatie, à profiter de son intervention contre la Hongrie ? Est-ce au contraire la certitude acquise de la partialité, de la complicité du gouvernement autrichien avec les tentatives des Croates, qui changea les desseins de la diète ? Il y eut sans doute de l’un et de l’autre. Les concessions arrachées au gouvernement autrichien étaient trop fortes, trop exagérées pour qu’il pût se croire obligé, en conscience, à écarter lui-même les occasions de les ressaisir. Le ministère hongrois, de son côté, se rendait compte de ce sentiment ; il cherchait des secours au dehors. Il accusait les pensées réactionnaires du cabinet de Vienne ; il se préparait des ressources contre une attaque probable. L’esprit de faction ne se déguisa bientôt plus ; il dominait l’assemblée et ne laissait place à aucune tentative de transaction. Kossuth n’était pas homme à reculer ; il se servait au contraire des concessions arrachées à l’Autriche pour démontrer à tous qu’il y avait folie et péril à croire qu’elle pût jamais s’y résigner. Il s’exaltait et exaltait l’assemblée par le spectacle des périls où elle s’était précipitée avec lui et la nécessité de ne point regarder un instant en arrière (11 juillet). « Point d’illusion, s’écriait-il, citoyens ; les Magyars sont seuls au monde contre la conspiration des souverains et des peuples qui les environnent. L’empereur de Russie nous cerne par les principautés, et, jusqu’en Serbie, nous trouvons partout sa main et son or. Dans le nord, des bandes armées de Slaves cherchent à rejoindre les révoltés de la Croatie et se préparent à marcher contre nous ; à Vienne, les courtisans et les politiques calculent le jour où on pourra