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et c’est là que siège encore l’assemblée. Les Hongrois n’ont pas le même besoin que nous de décors, d’architecture, de salle circulaire et de gradins. Le gouvernement ne crut pas nécessaire de retarder la réunion de la diète, sous ce prétexte qui nous a paru très simple, que les maçons et les peintres n’avaient pas terminé les travaux de la salle destinée aux séances du parlement.

L’archiduc Étienne ouvrit la diète au nom de sa majesté le roi Ferdinand V. Il n’hésita point à se prononcer, dans le discours d’ouverture, contre l’insurrection croate. « Le roi a vu avec douleur, disait-il, qu’après avoir sanctionné spontanément les lois votées par la diète, les agitateurs, surtout en Croatie, aient excité les uns contre les autres les habitans de croyances et de langues différentes. En les inquiétant par de faux bruits et de vaines terreurs, on les a poussés à résister à des lois qui, selon eux, n’étaient pas l’expression libre de la volonté de sa majesté. Quelques-uns sont allés plus loin, et ont prétendu que leur résistance était dans l’intérêt de la maison royale, et avait lieu au vu et au su de sa majesté. »

A la chambre des députés, le premier ministre exposa la situation dans un discours auquel on ne saurait contester au moins le mérite d’une grande franchise. « Vous voyez de vos propres yeux, dit-il, la situation affreuse du pays : le trésor est vide, et la patrie sans armée !… Peut-être sommes-nous venus trop tard pour achever les réformes de la constitution. On avait trop long-temps différé la justice, et le jour où on a proclamé son règne, la dissolution de tous les liens nationaux s’est manifestée. » L’orateur, passant ensuite à la question croate, établissait que, malgré les droits évidens de la Hongrie, le seul moyen qui lui restât pour régler son différend avec la Croatie était de prier le roi d’intervenir comme médiateur entre les deux pays. En terminant, le ministre proposa de voter une contribution extraordinaire de 100 millions de florins et une levée de deux cent mille hommes, tant pour terminer au besoin par la voie des armes la querelle avec la Croatie que pour venir au secours de l’empire, menacé dans l’Italie. Les propositions du premier ministre furent adoptées par acclamation ; on se souviendra peut-être de l’impression que causa en Europe cette dernière partie du vote de la diète ; on croyait plutôt la Hongrie, ou certainement le ministère disposé à faire cause commune avec les Italiens, tout au moins à rappeler ses régimens de l’Italie : que signifiait un langage aussi nouveau, une offre de secours aussi inattendue ?

L’opinion publique ne se trompait point ; le parti révolutionnaire, qui avait fait invasion dans le gouvernement hongrois et dans la diète, était bien décidé à en finir, quand il le pourrait, avec la suprématie du gouvernement royal. « Aux jours où nous sommes, disait-on hautement, la Hongrie mérite quelque chose de mieux que de rester une