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déjà pour venir au secours de leurs frères en Italie, c’est qu’ils étaient nécessaires à la défense de leur patrie. Si les Hongrois renonçaient à leurs injustes prétentions, toute la population était prête à marcher au secours de l’empire. » Le soin d’aplanir ces différends et d’établir une sorte de médiation entre le ministère hongrois et le ban de Croatie fut confié à l’archiduc Jean. On convint que des conférences auraient lieu entre Jellachich et les représentans du ministère hongrois ; mais, l’archiduc Jean ayant été nommé bientôt après vicaire-général de l’empire, Jellachich retourna à Agram : il fut reçu en triomphe ; il y eut là quelques semaines perdues. Enfin les conférences convenues s’ouvrirent à Vienne : le ban s’y rencontra avec le comte Bathiany ; mais les prétentions étaient trop grandes des deux parts. Le gouvernement impérial n’avait pas la force suffisante pour obtenir les sacrifices réciproques qui eussent pu ramener l’union, ou plutôt, disons-le, la situation était sans issue ; les deux plénipotentiaires s’aigrirent, se heurtèrent. « Nous nous reverrons sur la Drave » (c’est la frontière de la Croatie), dit le comte Bathiany à son adversaire en le quittant. « Non, mais sur le Danube ! » répondit l’autre. C’était maintenant aux armes qu’allait être remise la décision de cette querelle. Avant son départ, le ban reçut la visite des officiers de l’armée et de la garnison de Vienne ; des toasts furent portés, des sermens échangés : l’alliance se concluait entre les soldats avant d’être avouée par les gouvernemens. Néanmoins, et jusqu’à la dernière heure, on essaya de reprendre les négociations ; on verra plus tard que le palatin fut désigné pour remplacer l’archiduc Jean comme médiateur, et, au camp même des Croates, le comte Bathiany eut une dernière entrevue avec le ban.


III

La question croate, la révolution à Pesth, les rapports du gouvernement hongrois avec le pouvoir central à Vienne, sont trois questions qu’il serait plus commode de traiter successivement ; mais le récit y perdrait en vérité ce qu’il gagnerait certainement en clarté. Chacune de ces questions a agi sur l’autre, non pas au dénoûment seulement et à la crise, mais chaque jour et à chaque phase diverse. Il faut donc suivre leurs progrès en commun. Pendant que Jellachich resserrait ses rapports avec Vienne, que faisait à Pesth le nouveau gouvernement hongrois ? Le 5 juillet, la diète s’ouvrait dans cette capitale de la Hongrie. Les dernières diètes s’étaient tenues dans la petite ville de Presbourg, située à la limite de la frontière autrichienne, et placée ainsi sous la main du gouvernement impérial. C’était un des griefs de l’opposition, auquel il avait fallu faire droit. C’est dans la grande salle de bal du Casino, ou cercle de la noblesse, que se tint la séance d’ouverture,