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hongrois en revendiquent volontiers la gloire ; quelques étudians qui se trouvaient par hasard à Vienne furent les instigateurs et les chefs de l’émeute ; il était naturel qu’ils voulussent en faire profiter leur patrie. Le chef de l’opposition la plus avancée dans les dernières diètes, l’avocat Kossuth, se trouva porté d’emblée à la tête du mouvement ; il fit voter par la seconde chambre, sans l’intervention de celle des magnats, une adresse à l’empereur, véritable programme de la révolution. Cette adresse demandait la nomination d’un ministère purement hongrois, responsable devant la diète de tous les actes du pouvoir ; une nouvelle représentation de la population entière, sans distinction de rang ou de naissance ; l’organisation d’une garde nationale ; la translation de la diète de Presbourg à Pesth ; enfin, une constitution libérale pour tous les autres états de l’empire. Du reste, on proclamait dans cette adresse la ferme volonté et le besoin de la Hongrie de rester indissolublement unie à l’empire.

Mille gentilshommes hongrois, dans ce costume national que nous avons décrit, et qui ressemble plus à l’uniforme du soldat qu’au costume du législateur, furent chargés de porter à l’empereur, au palais de la Burg, à Vienne cette menaçante requête. — C’était à la fin du mois de mars ; — l’empereur accorda tout : il n’y avait alors en Europe, entre Londres et Petersbourg, aucune capitale où le gouvernement eût assez de pouvoir pour se refuser à une concession quelconque. La députation revint en triomphe à Pesth : tout ce que put obtenir l’influence, alors grande, du palatin fut de faire entrer dans le nouveau gouvernement qu’on allait organiser quelques-uns des anciens orateurs de l’opposition constitutionnelle. Le progrès naturel du temps, un mérite reconnu, les auraient amenés aux affaires sans révolution. Le comte Bathiany, chef de l’opposition à la chambre des magnats, fut le président de la nouvelle administration, Kossuth en resta l’ame et le directeur ; on y fit entrer le député Deak. Deak avait été autrefois fort ardent dans l’opposition ; mais c’était un homme consciencieux, qui voulait tout obtenir par des moyens réguliers, par l’action légale de l’opinion. En révolution, ces caractères servent de décoration aux partis, qui les rejettent bien vite, parce que leur honnêteté est trop gênante. Dès les premiers jours, au reste, et par la formation même de leur gouvernement, les auteurs du mouvement montrèrent comment ils entendaient maintenir le lien fédéral qu’ils laissaient encore subsister de nom entre l’Autriche et la Hongrie. Ils voulurent avoir des ministères hongrois pour les affaires étrangères, pour la guerre et pour les finances. On peut comprendre plusieurs états réunis sous un même chef ayant une administration intérieure distincte : on comprend encore, quoique avec peine, l’existence de deux ministères séparés pour la guerre et les finances vis-à-vis des ministères du pouvoir central ; mais comment