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çaises en Belgique fut un acte spontané du gouvernement français, qui, sous le coup de l’invasion hollandaise, n’hésita pas à porter ce défi de guerre à l’Europe entière. Un fait moins connu peut-être, c’est la manière dont fut décidé le siége d’Anvers. La prise d’Anvers par l’armée française était la mise à exécution, par la force même des armes, des nouveaux arrangemens territoriaux que la France réclamait de l’Europe au nom de la révolution de 1830. Le projet de cette expédition avait été concerté avec le cabinet britannique ; mais les pourparlers se prolongeaient indéfiniment à Londres : on ne tombait point d’accord ni sur le moment de l’expédition ni sur le mode d’exécution, et cependant les événemens pressaient. Le cabinet du 11 octobre s’assembla un matin en conseil, sous la présidence du roi. M. de Broglie, ministre des affaires étrangères, fit ressortir la gravité des circonstances et l’urgence d’une prompte et sérieuse démonstration ; M. Thiers, ministre de l’intérieur, insista avec une rare vivacité. La résolution fut prise séance tenante, tous les ordres militaires immédiatement expédiés par le télégraphe. L’assentiment définitif de l’Angleterre n’arriva que fort avant dans la nuit.

La Belgique n’a été finalement constituée qu’en 1838, par le traité des 34 articles. Ainsi, huit ans furent nécessaires au roi Guillaume pour reconnaître que les chances de guerre avaient disparu de l’Europe. Il lui avait fallu huit ans pour se persuader que les puissances alliées avaient sincèrement et de bonne foi abandonné, à leur grand détriment et au bénéfice évident de la France, la défense de l’intégrité des traités de Vienne.

Le temps nous a depuis rendus peu à peu indifférens à l’acte de réparation obtenu, sans coup férir, par la révolution de 1830. Les militaires et les personnes qui ont quelquefois réfléchi aux éventualités possibles d’une guerre avec les puissances du Nord savent combien il importait à la France, surtout avant la création des fortifications de Paris, de reprendre à d’anciens adversaires et de remettre à des alliés naturels les places fortes de la Belgique. Ces redoutables forteresses avaient été pour la plupart construites autrefois contre nous ; elles avaient été achevées à nos frais, car une portion des contributions de 1815 avait servi à réparer et agrandir celles dont les positions étaient les plus menaçantes pour nous ; leur entretien en bon état d’armement avait été stipulé par des conventions spéciales qui obligeaient le roi de Hollande, et donnaient même à ses alliés un droit spécial de surveillance et d’inspection. Par suite de la constitution du nouveau royaume de Belgique, quel changement à notre profit ! Ce qui avait fait notre faiblesse fait dorénavant notre force. Les postes avancés de la sainte-alliance sont devenus, par un heureux revirement, les premiers bou-