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diplomatie française, mit en avant à la tribune et dans ses correspondances officielles le système qu’on a appelé depuis de non-intervention. Aujourd’hui moins que jamais, et aux hommes qui nous gouvernent moins qu’à personne, il n’est nécessaire de rappeler combien ce système était, au moment où il fut produit, conforme aux intérêts de la France. Ce qu’ignorent peut-être ceux qui combattirent cette détermination des premiers ministres de la monarchie de juillet, et qui, placés depuis dans des circonstances analogues, n’ont trouvé rien de mieux à faire que de les imiter, c’est la mauvaise humeur que l’attitude prise par le gouvernement français causa aux cours du Nord. Ces cours ne se faisaient pas d’illusion sur la vraie portée du principe qui venait d’être pris pour point de départ de notre politique extérieure. Ce principe ne les garantissait qu’en apparence ; en réalité, et dans l’état actuel de l’Europe, il ne pouvait pas ne pas tourner contre elles. Aucun homme d’état n’en était plus convaincu que le chancelier autrichien. Les dépêches que notre chargé d’affaires écrivait de Vienne à cette époque étaient remplies de ses incessantes protestations contre la prétention étrange du gouvernement français d’introduire, pour sa convenance, un nouveau droit des gens dont on n’avait jusque-là jamais entendu parler, et qui était purement et simplement le renversement de toutes les règles qui avaient jusqu’alors présidé à la politique des états européens.

Les événemens de Belgique justifièrent bientôt les appréhensions du prince de Metternich. En Belgique, plus que partout ailleurs, l’application du principe posé par nous était bien de nature à émouvoir les cabinets étrangers. Comme triomphe d’une population insurgée, la révolution belge portait une première atteinte aux droits des souverains légitimes, et l’admission de cette nouvelle nationalité parmi les états de l’Europe ouvrait la brèche dans les actes du congrès de Vienne. Les raisons mêmes qui portaient la France à soutenir les Belges contre les Hollandais poussaient les cours du Nord à aider le roi de Hollande contre ses sujets rebelles. La tentation était forte surtout pour le roi de Prusse, beau-frère du roi de Hollande. Dans les premiers jours de septembre, on apprit à Paris qu’un corps d’armée prussien était réuni sur la frontière hollandaise, prêt à appuyer une tentative du roi Guillaume contre Bruxelles. Le moment était venu de montrer à l’Europe que le principe de non-intervention, sérieusement proclamé, serait, au besoin, fermement soutenu. M. Molé fit prier M. le baron de Werther de venir causer avec lui. M. de Werther, ministre de Prusse à Paris, n’avait pas encore été autorisé à entretenir des rapports officiels avec le nouveau gouvernement. Il eut quelque objection à se rendre au cabinet du ministre des affaires étrangères de France, mais il se dit tout prêt à aller s’entretenir avec M. Molé des intérêts des deux nations. Ce fut dans la maison de