Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 24.djvu/18

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mériter et d’en souffrir. Risquer de rencontrer à chaque pas qu’elle veut faire tous ses ennemis ligués contre elle et prêts à lui barrer le chemin, telle est bien le plus souvent la condition politique de la France. C’est son honneur, c’est son danger. Ce danger ne fut jamais plus grand qu’en 1830. Les différens cabinets de l’Europe ne tardèrent pas, il est vrai, à reconnaître le gouvernement issu de la révolution de juillet, et plusieurs ministres étrangers se sont depuis disputé l’honneur de l’initiative ; mais il est curieux de savoir cependant quels étaient, dans les premiers momens, en dehors des relations officielles, les sentimens des principaux personnages de l’Europe. Les premières communications arrivèrent de Londres : c’était une réponse du duc de Wellington à une lettre particulière de l’un des hommes considérables qui entouraient alors le nouveau roi. Le duc de Wellington, dont l’autorité était si grande dans les conseils de l’ancienne Europe, chef du cabinet dont lord Aberdeen était le ministre des affaires étrangères, ne cachait pas le chagrin que lui causait la chute des Bourbons. Il convenait du droit de la nation française de faire ce qu’elle avait fait ; il annonçait l’intention de reconnaître officiellement le nouveau gouvernement, à la condition toutefois qu’il respecterait tous les traités existans, et ne chercherait pas à jeter l’Europe dans de nouvelles commotions. Le ton et la teneur de cette lettre pouvaient se résumer ainsi : Nous ne vous aimons pas, cependant nous ne vous ferons pas la guerre ; nous vous reconnaîtrons, mais nous vous observerons. Les correspondances venues de Berlin, les conversations du général Belliard avec le prince de Metternich à Vienne, n’annonçaient pas d’autres dispositions. À Saint-Pétersbourg, elles étaient moins bonnes encore. L’empereur d’Autriche, le roi de Prusse et l’empereur de Russie protestaient de leur ferme intention de ne susciter aucun embarras au gouvernement nouveau, de leur sincère désir de vivre en bonne intelligence avec lui ; mais ils annonçaient, en termes tout aussi formels, leur résolution de maintenir le statu quo territorial de l’Europe, tel qu’il avait été réglé par le congrès de Vienne, et de ne souffrir aucune tentative de propagande révolutionnaire. On le voit, si les dispositions étaient pacifiques, la guerre n’en pouvait pas moins sortir des conditions mises au maintien de la paix. En effet, le contre-coup des événemens de Paris ne pouvait tarder à se faire sentir au dehors et à mettre bientôt face à face des intérêts trop opposés. Si la France et les puissances étrangères persistaient de part et d’autre dans leurs mutuelles déclarations, les causes de collision allaient surgir partout à la fois. Qui céderait ? Le nouveau gouvernement français, mis à une première épreuve, n’hésita pas à poser un de ces principes qui décident de tout un avenir et engagent pour long-temps le sort même des nations. M. Molé, ministre des affaires étrangères à cette époque où furent jetés les premiers jalons de la nouvelle