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des projets du roi, et m’assurant que ces projets étaient connus à cette heure de certains membres de l’ancien gouvernement provisoire. Je le priai alors de remarquer que je ne demandais à connaître aucun secret, mais seulement à apprendre ce que tout le monde était intéressé à savoir. J’insistai sur le danger qu’il y avait à tenir la population de Milan dans un état d’incertitude qui pouvait amener de graves désordres ; je demandai instamment qu’on me mît à même de rassurer ceux de mes concitoyens qui avaient en moi quelque confiance. L’officier hésitait encore ; il était évidemment sous le coup d’une émotion pénible. Enfin il me dit que la route choisie par le roi devait m’être un gage suffisant de sa résolution de défendre Milan à tout prix. « Je vous dis, reprit-il en s’interrompant, je vous dis ce qui est évident pour tout homme ayant quelques notions de stratégie et de topographie ; mais je ne vous parle point au nom du roi, qui ne m’a pas autorisé à le faire. -Puis-je répondre à mes concitoyens, demandai-je, que le roi veut les défendre ? — Mais il me semble que cela est évident ; sans cela, pourquoi serait-il venu par ici ? » Cet officier se mit alors à me faire un éloge mérité de ses troupes. « Les pauvres soldats se désolent de cette retraite, » me dit-il, et, tout en disant ces mots, de grosses larmes coulaient le long de ses joues maigres et brûlées par le soleil. « De cette retraite, ai-je dit retraite ? C’est fuite que je devrais dire. Oui, madame, ajouta-t-il avec un accent de colère et d’amertume, voilà huit jours que nous fuyons ignominieusement, et nous ne savons pas devant qui. » Il ajouta que lord Abercromby était dans le camp autrichien, et qu’il obtiendrait vraisemblablement un armistice. « Sans cela, dit-il encore, c’est à Milan que les destinées de l’Italie seront fixées. »

Je repris le chemin que j’avais suivi en allant à Lodi, et je cherchai à calmer les populations en leur affirmant qu’elles n’avaient rien à craindre de l’invasion autrichienne aussi long-temps qu’elles n’auraient pas vu l’armée piémontaise traverser la province pour se retirer sous les murs de Milan. Ce raisonnement les rassura, et elles me promirent d’attendre de pied ferme le passage des Piémontais, quitte à les suivre alors et à se réfugier dans Milan, d’autant plus qu’une proclamation du comité de défense invitait les habitans des campagnes à se rendre à la ville, ceux qui possédaient des armes en qualité de gardes nationaux, ceux qui n’étaient pas armés avec leurs ustensiles de labour pour travailler aux fortifications et aux barricades.

Le soir du même jour, 2 août, je me rendis à Milan. C’est le lendemain matin, de bonne heure, que le roi et son armée, forte de quarante-cinq mille hommes, vinrent camper hors de la porte Romaine. Cela signifiait que les efforts de lord Abercromby avaient échoué, et que la guerre allait continuer sans interruption. J’appris alors par un officier du régiment des gardes les détails suivans du dernier combat