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maintenir leur politique à un niveau élevé. Quel gouvernement a été jamais libre de tout embarras, exempt de toutes fautes, et n’a parfois donné raison à ses adversaires ? L’opposition ne saurait-elle convenir à son tour qu’elle a été entraînée un peu loin par l’ardeur de la lutte ? Elle n’a pas toujours tout su, et il n’a pas toujours été possible de tout lui dire. Un gouvernement qui a de la dignité, du bon sens, qui se croit de l’avenir, ne met pas le public dans la confidence de tous les obstacles cachés qu’il rencontre, de tous les mauvais vouloirs qu’il surmonte, de tous les coups détournés qu’il lui faut parer. Il ne se vante pas de tous les avantages remportés dans ses démêlés avec les gouvernemens étrangers. Il sait qu’à crier bien haut ses mérites sur les toits, à enregistrer bruyamment les bulletins de ses victoires, il risquerait de ne pas triompher long-temps. De tels éclats effarouchent ceux avec lesquels il doit continuer à traiter, et les mettent aussitôt sur leurs gardes. La dignité des nations étrangères, grandes ou petites, alliées ou rivales, a droit à des égards infinis, aussi bien que celle des agens qui les représentent. Il n’est ni convenable, ni prudent de les blesser jamais. En diplomatie, les longs ménagemens font seuls les succès durables. Si le régime déchu a fidèlement suivi cette règle, jusqu’au point de se nuire dans l’opinion des personnes mal informées, ses anciens et loyaux adversaires seront sans doute les derniers à le lui reprocher ; peut-être, au contraire, lui sauront-ils gré d’avoir, au demeurant et sans l’afficher bien haut, pratiqué une politique digne, mais peu bruyante. Quant aux partis qui ne l’ont jamais attaqué que pour le renverser, qui ne se proposaient pas de le conseiller, mais de le perdre, qui lui imposaient l’impossible, afin d’avoir la joie de le voir périr à la peine, ceux-là ont eu, quoique pour d’autres causes, une si complète satisfaction, qu’à eux-mêmes cette tardive justice ne doit pas aujourd’hui coûter beaucoup.

Ma sollicitude pour notre avenir national me porte aussi à essayer cette justification du passé. Un des ministres actuels disait naguère à la tribune : « Nous n’avons rien à apprendre de la monarchie. » Je doute fort que cela soit vrai en finances ; en politique internationale, cela est radicalement faux. Les régimes politiques qui se succèdent se servent de bases les uns aux autres, ils s’appuient mutuellement, et le dernier venu ne peut tenir en l’air. La république de 1792, la première effervescence une fois passée, n’a pas repoussé toutes les traditions diplomatiques de l’ancien régime. On sait si l’empire s’est empressé de reprendre les vieux erremens. Le gouvernement de juillet a emprunté lui-même à la restauration. C’était, pour tous ces gouvernemens, moins une affaire de goût que de nécessité. La nouvelle république aurait tort d’être plus dédaigneuse que ses devanciers et de rejeter en bloc l’héritage qui lui est échu. Il ne paraît pas d’ailleurs