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creux. Or, la condition essentielle d’une bonne gravure, c’est la profondeur du trait, car si les creux sont trop légers, les particules d’encre au moment de l’impression surpassant en dimension la profondeur du trait, l’épreuve au tirage est nécessairement imparfaite. Pour creuser plus avant, on frotte la planche gravée et peu profonde d’une huile grasse qui s’incruste dans les cavités et ne s’attache pas aux saillies. On dore ensuite la plaque à l’aide de la pile voltaïque. L’or vient se déposer sur les parties saillantes et ne pénètre pas dans les creux abrités par le corps gras. En nettoyant ensuite la planche, on peut l’attaquer très profondément par l’eau-forte, car les parties saillantes recouvertes d’or sont respectées par l’acide. On creuse ainsi le métal à volonté. Enfin, comme la mollesse de l’argent limiterait singulièrement le tirage, on recouvre la planche d’une couche de cuivre par les procédés galvanoplastiques. Le cuivre, métal très dur, supporte donc seul l’usure déterminée par le travail de l’impression.

On a réussi, en Angleterre, à graver les épreuves photographiques par un procédé plus hardi encore. M. Grove est parvenu à ce résultat par la seule action d’un courant électrique. Si l’on attache une image daguerrienne au pôle négatif d’une pile voltaïque chargée d’une liqueur faiblement acide, en plaçant au pôle positif une lame de platine, l’acide attaque l’argent de la plaque et grave en creux le dessin. Une plaque ainsi traitée peut à peine se distinguer de l’épreuve daguerrienne. Si on l’examine à la loupe, on y retrouve les détails les plus fins et les plus délicats de l’impression lumineuse.

Ainsi, un dessin tracé par la lumière est gravé par l’électricité. Tout est surprenant, tout est merveilleux dans ces mille inventions nouvelles qui chaque jour apparaissent autour de nous. La lumière est domptée, le fluide électrique est un serviteur obéissant ; de la lumière on fait un pinceau et de l’électricité un burin. Partout la main de l’homme est bannie. A la main tremblante de l’artiste, au regard incertain, à l’instrument rebelle, on substitue les forces inévitables des agens naturels. C’est ainsi que tous les arts, toutes les industries se trouvent aujourd’hui sous le coup de révolutions profondes dont il est impossible de calculer la portée ; c’est ainsi que les puissances aveugles de la nature menacent de remplacer partout la main et presque l’intelligence des hommes. Rien n’est plus propre à marquer la grandeur actuelle des sciences, à faire deviner le rôle immense qu’elles sont appelées à jouer dans l’avenir.


III

Ce n’est pas seulement sur des plaques métalliques, c’est sur de simples feuilles de papier que l’on a appliqué les procédés photographiques ; il nous reste à parler de la belle série de ces travaux.