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dans des conditions semblables, des tons vigoureux, qui varient depuis le rose le plus pâle jusqu’au rose vif. L’argent a été essayé dans le même cas ; mais ce métal, qui donne au tableau une douceur et un chatoiement très agréables, lui retire cependant une partie de sa vigueur.

Depuis deux ou trois ans, on voit à plusieurs étalages de produits photographiques des portraits coloriés qui excitent la curiosité de quelques passans. Il ne s’agit pas, comme on a paru le croire d’abord, d’images obtenues dans la chambre obscure avec les couleurs naturelles, mais tout simplement de couleurs appliquées à la main. Il serait difficile de rien imaginer d’aussi barbare. Colorier une planche daguerrienne est aussi ridicule que vouloir enluminer une gravure de Reynolds ou de Rembrandt. Le mérite essentiel des épreuves photographiques réside dans l’admirable dégradation des teintes et dans une harmonie si parfaite de la lumière et des ombres, qu’elle défie à jamais le burin. Toutes ces qualités restent ensevelies sous cet absurde empâtement de couleurs. Arrivons à quelque chose de plus sérieux, aux efforts que l’on a faits et qu’on ne cesse de faire en France pour transformer une épreuve daguerrienne en planche propre à la gravure.

Il ne faut pas que les produits du daguerréotype, d’une perfection si achevée, restent à l’état de type unique ; il faut que l’impression puisse les multiplier indéfiniment ; il faut perfectionner et surtout régulariser les procédés de gravure photographique actuellement connus ; il faut qu’ils ne restent pas plus long-temps concentrés entre les mains d’un ou deux artistes, paralysés dans leur développement par toutes les entraves des brevets. Alors seulement le daguerréotype aura dit son dernier mot, alors la photographie aura trouvé des applications utiles, complètes, étendues, dans la pratique des arts. Le jour où les planches daguerriennes pourront être économiquement transformées en planches de gravure, nous n’aurons plus rien à demander à la photographie, car nous obtiendrons sur le papier des images parfaites, redressées, inaltérables, d’une correction et d’une finesse achevées, et qui présenteront l’inappréciable avantage de pouvoir être multipliées indéfiniment. Nous sommes loin encore d’avoir atteint un si désirable but ; cependant les résultats obtenus jusqu’ici et que nous allons rapidement indiquer font concevoir à cet égard d’assez légitimes espérances.

L’idée de transformer les plaques photographiques en planches à l’usage des graveurs était si naturelle, que, dès les premières applications du procédé de Daguerre, un grand nombre de personnes s’occupèrent de ce problème. M. Fizeau est celui qui l’a résolu avec le plus de bonheur. Voici un court aperçu du procédé curieux qu’il a imaginé. On commence par soumettre la plaque à l’action d’une liqueur légèrement acide qui attaque l’argent, c’est-à-dire les parties noires de l’image, sans toucher au mercure qui forme les blancs. On obtient ainsi une planche gravée d’une grande perfection, mais d’un très faible