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plus graves difficultés de la science humaine ; il se fût rappelé qu’en Angleterre l’illustre Humphry Davy, le patient Wedgewood, après mille essais infructueux, avaient déclaré le problème insoluble. Le jour où cette pensée audacieuse entra dans son esprit, il l’eût donc reléguée aussitôt à côté des rêveries de Wilkins ou de Cyrano Bergerac ; il eût tout au plus poussé un soupir de regret et passé outre. Heureusement pour nous, pour la science, pour les arts, Niepce n’était savant qu’à moitié. Il ne s’effraya donc pas trop des difficultés qui l’attendaient. Il ne pouvait guère prévoir qu’une question en apparence si simple allait lui coûter vingt années de recherches, et que la mort le surprendrait avant qu’il eût reçu la récompense et la satisfaction légitime de ses travaux.

Les essais photographiques de Niepce remontent à l’année 1813 ; c’est dans les premiers mois de 1814 qu’il fit ses premières découvertes. Les principes de ses procédés photographiques étaient d’une simplicité merveilleuse. Il savait, ce que savent tous les peintres, qu’une certaine substance résineuse de couleur noire, le bitume de Judée, exposée à l’action de la lumière, y blanchit assez promptement ; il savait ce que savent tous les chimistes, que la plupart des composés d’argent, naturellement incolores, noircissent par l’action des rayons lumineux. Voici comment il tira parti de cette propriété. Il s’occupa d’abord d’un objet assez insignifiant en apparence, mais qui avait l’avantage de préparer et d’éprouver les procédés pour l’avenir : il s’appliqua à reproduire des gravures. Il vernissait une estampe sur le verso pour la rendre plus transparente, et l’appliquait ensuite sur une lame d’étain recouverte d’une couche de bitume de Judée. Les parties noires de la gravure arrêtaient les rayons lumineux ; au contraire, les parties transparentes ou qui ne présentaient aucun trait de burin les laissaient passer librement. Les rayons lumineux, traversant les parties diaphanes du papier, allaient blanchir la couche de bitume de Judée appliquée sur la lame métallique, et l’on obtenait ainsi une image fidèle du dessin, dans laquelle les clairs et les ombres conservaient leur situation naturelle. En plongeant ensuite la lame métallique dans de l’essence de lavande, les portions du bitume non impressionnées par la lumière étaient dissoutes, et l’image se trouvait ainsi mise à l’abri de l’action ultérieure de la lumière.

Cependant la copie photogénique des gravures n’était qu’un prélude à des opérations plus intéressantes. Le but à atteindre, c’était la reproduction des dessins de la chambre obscure. Tout le monde connaît la chambre obscure. C’est une sorte de boîte fermée de toutes parts, dans laquelle la lumière s’introduit par un petit orifice. Les rayons lumineux émanant des objets placés au dehors s’entre-croisent à l’entrée, et produisent une représentation en raccourci de ces objets. Pour donner plus de champ à l’image et pour en augmenter la netteté, on place