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la loi est ce que certaines gens veulent la faire, elle ne peut pas déshonorer plus long-temps notre code. Nous voulons bien obéir aux lois du royaume et renoncer à nos sièges dans le parlement, si le parlement déclare que telle doit être la loi ; nous sommes prêts à renoncer à tous nos biens, si la loi l’ordonne ; nous voulons bien être condamnés à un emprisonnement éternel si la loi l’exige ; mais nous ne ferons point ce que la loi de Dieu nous défend de faire. Avec la bénédiction de Dieu et la force de Dieu, nous irons en avant, mais nous ne violerons jamais volontairement et de propos délibéré sa sainte loi, jamais, jamais, jamais !»

Mais, hélas ! l’évêque d’Exeter ne parlait pas au nom de tous. Même sur le banc des prélats, dans la chambre haute, il ne trouva pas l’appui sur lequel il devait compter. Les évêques anglais ne voulurent pas être martyrs ; beaucoup, peut-être, ne voulurent pas aller plus avant dans une lutte qui aurait amené logiquement la séparation de l’église et de l’état.

La question en est restée là pour le moment ; elle se représentera infailliblement plus tard. Le conflit que nous venons de retracer a eu pour résultat d’exposer au grand jour l’imperfection de la constitution religieuse de l’Angleterre. Le premier ministre, le représentant de la couronne, est allé attaquer le pouvoir ecclésiastique non pas seulement dans son administration, mais dans la source sacrée de son ministère, l’ordination. L’église a dû céder, mais elle n’oubliera pas l’humiliation qu’on lui a fait subir. Lord John Russell a prouvé clairement qu’avec la loi il pouvait nommer évêque qui bon lui semblait, le pape, le grand Turc ou lui-même ; il pourrait bien avoir trop prouvé. Il ne faut pas abuser des lois plus que d’autre chose ; les inexplosibles peuvent sauter si on les charge trop, les constitutions craquer si on les tire trop. C’est une affaire de mesure et de discrétion ; les hommes qui gouvernent les affaires de ce monde ne doivent pas être des machines ; ils sont des êtres intelligens ; des jurés qui ont mission d’apprécier. Or, c’est surtout dans ce qui touche la conscience que la lettre tue et que l’esprit vivifie.

Quelle est maintenant la situation de l’église anglaise ? Contre le despotisme du pouvoir séculier, elle n’a aucun recours. Si elle proteste, on passe outre ; si elle résiste, on la punit. Il n’y a pas de cour d’appel. Autrefois il y avait la convocation du clergé, sorte de parlement ecclésiastique qui se réunissait sur l’invitation de la couronne le même jour que le parlement séculier ; mais, un beau jour, la couronne oublia la convocation, et s’en passa. C’était au temps de George Ier, qui était en guerre avec les évêques et le clergé. L’église, alors, n’aimait pas beaucoup la maison de Hanovre ; elle était encore un peu légitimiste, et boudait la révolution. Depuis ce jour-là, malgré quelques réclamations isolées, la couronne cessa d’appeler la convocation.