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commandant en chef des armées et sans doute aussi des consciences britanniques ! Et d’ailleurs, pourquoi plutôt Oxford que Cambridge ? L’université de Cambridge a aussi un chancelier très convenable, son altesse royale le prince Albert, le mari du chef de l’église. Il y a une vieille rivalité entre les deux universités ; on disait autrefois « qu’Oxford avait toujours l’honneur de brûler les évêques que Cambridge avait eu l’honneur d’élever. » Qui prononcera entre ces deux autorités ?

Il n’y avait donc rien à répondre à lord John Russell quand il récusait la compétence de l’université. Le premier ministre avait raison, non-seulement pour lui, mais pour les évêques eux-mêmes ; non-seulement pour l’état, mais aussi pour l’église. Il faut bien reconnaître ici que les évêques, pour le besoin de leur cause, se jetaient en aveugles dans une voie fausse et pleine de périls. En faisant de l’université un tribunal, c’était leur propre autorité, bien plus encore que celle de la couronne, qu’ils compromettaient. Eux, les conservateurs de la doctrine, ils en remettaient la garde et l’interprétation à un corps indépendant, à un corps composé pour moitié de laïques ! Supposez qu’un jour il se fût trouvé une majorité pour censurer des curés nommés par les évêques, comme il s’en était rencontré une pour censurer un professeur nommé par la couronne, qu’auraient dit les évêques ? Auraient- ils reconnu à l’université ce droit de veto qu’ils réclamaient imprudemment pour elle ? Qu’auraient-ils fait quand on aurait retourné contre eux-mêmes le téméraire argument dont ils s’étaient servis ?

Cette fausse position des évêques se reproduisit encore ailleurs. Ils voulurent recourir à une autre juridiction que celle de la couronne ; mais à qui pouvaient-ils s’adresser ? Au pape ? ils ne le reconnaissent pas ; à un concile national ? ils n’en ont pas ; à leur primat ? il n’est qu’un officier ministériel. Ils portèrent leur plainte devant les tribunaux laïques, devant la cour du banc de la reine. Voici à quelle occasion :

Après l’élection, ou plutôt la nomination de l’évêque, vient sa confirmation. Cette cérémonie s’accomplit, aujourd’hui encore, avec toutes les anciennes formes. L’archevêque métropolitain délègue un vicaire-général pour confirmer l’évêque nommé ; la confirmation se fait en public, dans une église ; le procureur, au nom du chapitre, lit un procès-verbal de l’élection, et somme les opposans, s’il y en a, de venir exposer leur protestation. C’est une cérémonie comme celle qui a lieu au couronnement, lorsqu’un chevalier armé de toutes pièces vient jeter son gant sur le pavé de Westminster, et demander qui le relève. Après cette sommation, faite en langue normande, le vicaire-général procède à la confirmation.

Celle de l’évêque de Hereford se fit dans l’église de Bow, à Londres. Le prélat arriva en grande pompe, au milieu d’une foule innombrable, car l’Angleterre tout entière avait été remuée par cette controverse. Il