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confiscations du clergé, et qu’ils devaient avoir quelques raisons personnelles de rester fidèles au parti laïque et à la suprématie spirituelle du pouvoir temporel.

Néanmoins lord John Russell gardait toujours l’avantage de la logique. Ainsi, il est certain qu’il raisonnait très bien quand il disait aux évêques : « Vous prétendez que les opinions avouées par le docteur Hampden sont de nature à porter atteinte et à la doctrine et à la tranquillité de l’église ; mais pourquoi ne les avez-vous pas formellement condamnées ? Depuis que le docteur Hampden a été censuré par un acte de l’université, il a été nommé professeur de doctrine chrétienne dans cette même université, et la plupart d’entre vous ont réclamé des candidats à l’ordination un certificat d’assiduité à ses cours. Depuis ce temps-là encore, il a été nommé à une cure dans le diocèse même d’Oxford, et aucun de vous ne s’y est opposé. Si vous le soupçonniez d’hétérodoxie, pourquoi l’avez-vous laissé enseigner, pourquoi l’avez-vous laissé exercer ? » Les évêques n’avaient, en effet, rien à répondre à de pareils argumens ; soit par négligence, soit par tolérance, ils avaient laissé dormir les foudres ecclésiastiques, ils avaient reculé devant les rigueurs d’une espèce d’inquisition, ils n’avaient ni banni, ni excommunié, ni brûlé le docteur Hampden ; mais, de bonne foi, était-il généreux, était-il habile au premier ministre, au représentant de la couronne, de leur faire un crime de leur modération même ? Nous voudrions bien savoir ce qu’y aura gagné le pouvoir laïque ? Le pouvoir ecclésiastique, instruit par cette leçon, ne s’en montrera désormais que plus sévère et peut-être plus tyrannique. Les évêques diront : « Nous n’avons pas voulu, en ces temps de libre discussion, ressusciter les proscriptions d’un autre âge et faire de nouvelles victimes théologiques ; nous nous sommes montrés tolérans, négligens peut-être ; on nous en fait repentir, cela ne nous arrivera plus. » Les évêques diront encore : « L’homme que vous venez d’élever à l’épiscopat était frappé de la censure de l’université ; nous n’avons pas voulu provoquer contre lui une condamnation plus formelle ; nous ne pouvions pas imaginer que le premier ministre irait précisément chercher pour en faire un évêque un homme dont une autorité considérable dans l’église avait désavoué les doctrines ; il paraît que nous avons été trop confians ; on nous en fait un reproche, nous nous corrigerons. » Enfin, les évêques diront : « Vous nous reprochez de porter des accusations vagues, vous nous défiez de provoquer un jugement formel contre le candidat de la couronne, eh bien ! vous avez raison. Oui, nous hésitons ; oui, nous nous arrêtons à moitié chemin, mais est-ce bien à vous à nous en faire un crime ? Comment ! nous hésitons avant de soulever une querelle, irrémédiable peut-être, entre les deux pouvoirs, et vous nous punissez de notre prudence ! Nous voyons que, dans la constitution actuelle de notre église, il est difficile de trouver un tribunal également accepté