des femmes. Ta parole est douce, mais plus doux encore est le baiser que je t’ai ravi. Je te possède, et je crois que la parole n’est qu’un souffle vain.
Oh ! jure, ma bien-aimée, jure toujours : je te crois sur un seul mot. Je me laisse tomber sur ton sein, et je crois que je suis bien heureux ; je crois, ma bien-aimée, que tu m’aimeras éternellement et plus long-temps encore.
Sur les yeux de ma bien-aimée j’ai fait les plus beaux canzones ; sur la petite bouche de ma bien-aimée j’ai fait les meilleurs terzines ; sur les yeux de ma bien-aimée j’ai fait les plus magnifiques stances. Et si ma bien-aimée avait un cœur, je lui ferais sur son cœur quelque beau sonnet.
Le monde est stupide, le monde est aveugle ; il devient tous les jours plus absurde : il dit de toi, ma belle petite, que tu n’as pas un bon caractère.
Le monde est stupide, le monde est aveugle, et il te méconnaîtra toujours : il ne sait pas combien tes étreintes sont douces et combien tes baisers sont brûlans.
Ma bien-aimée, il faut que tu me le dises aujourd’hui : es-tu une de ces visions qui, aux jours étouffans de l’été, sortent du cerveau du poète ?
Mais non : une si jolie petite bouche, des yeux si enchanteurs, une si belle, si aimable enfant, un poète ne crée pas cela.
Des basiliques et des vampires, des dragons et des monstres, tous ces vilains animaux fabuleux, l’imagination du poète les crée.
Mais toi, et ta malice, et ton gracieux visage, et tes perfides et doux regards, le poète ne crée pas cela.
Comme Vénus sortant des ondes écumeuses, ma bien-aimée rayonne dans tout l’éclat de sa beauté, car c’est aujourd’hui son jour de noces.
Mon cœur, mon cœur, loi qui es si patient, ne lui garde pas rancune de cette trahison ; supporte la douleur, supporte et excuse, quelque chose que la chère folle ait faite.
Je ne t’en veux pas ; et si mon cœur se brise, bien-aimée que j’ai perdue pour toujours, je ne t’en veux pas ! Tu brilles de tout l’éclat de tes diamans, mais aucun rayon ne tombe dans la nuit de ton cœur.
Je le sais depuis long-temps. Je t’ai vue naguère en rêve, et j’ai vu la nuit qui remplit ton ame et les vipères qui serpentent dans cette nuit. J’ai vu, ma bien-aimée, combien au fond tu es malheureuse.
Oui, tu es malheureuse, et je ne t’en veux pas ; ma chère bien-aimée, nous devons être malheureux tous les deux. Jusqu’à ce que la mort brise notre cœur, ma chère bien-aimée, nous devons être malheureux.