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pour presque tous les tableaux de Robert et de Schnetz. La galerie du Palais-Royal possédait un portrait en pied de la Grazia, par Schnetz, sous le titre de la Femme du brigand. La jeune femme qui présente à la diseuse de bonne aventure la main de l’enfant dans le tableau de l’Enfance de Sixte-Quint, par le même, est le portrait de la Teresina. Dans l’Improvisateur napolitain, de Robert, la femme assise aux pieds du chanteur et tenant un enfant est encore la Teresina. C’est encore elle qui est représentée dans la danseuse qui précède le char du Retour de la fête de la Madone de l’Arc.

Justine, sœur de Gasparone, le chef de tous les brigands, était aussi un magnifique modèle, et dont les aventures ne le cèdent en rien à celles des deux sœurs. Une autre jeune fille enfin, d’une beauté remarquable, enlevée par les brigands et faisant partie de la population de Sonnino, transférée aux Termini, servit de modèle à Robert pour une de ses meilleures études qu’il peignit, de grandeur naturelle, aux Thermes, pour lord Kinnaird. Cette jeune fille portait au cou une cicatrice que Léopold reproduisit dans son portrait, en mémoire de la résistance énergique opposée par elle à ses ravisseurs.

Nous nous sommes arrêté sur ces épisodes qui appelèrent alors l’attention des peintres français et de Rome entière sur le brigandage italien. C’est là, en effet, qu’il faut chercher l’origine de ces éternelles peintures de brigands dont tant d’artistes inférieurs à Robert et cachés dans son ombre ont inondé les salons du Louvre ; mais les siennes étaient, en 1820, une nouveauté piquante, d’autant plus goûtée, que les poésies de lord Byron venaient de mettre les brigands à la mode. « J’ai été bien favorisé, je l’avoue, écrivait Robert à son ami Brandt le 3 octobre 1822 ; j’ai voulu choisir un genre qu’on ne connût pas encore, et ce genre a plu. C’est toujours un avantage d’être le premier. Lorsque j’arrivai, je fus frappé de ces figures italiennes, de leurs mœurs et de leurs usages remarquables, de leurs vêtemens pittoresques et sauvages. Je pensai à rendre cela avec toute la vérité possible, mais surtout avec cette simplicité et cette noblesse que l’on remarque dans ce peuple, et qui est encore un trait conservé de ses aïeux. Ce que j’ai fait jusqu’à présent ne me satisfait pas encore ; j’espère réussir mieux. Cependant mes tableaux, quoi qu’ils représentent d’abord, sont très recherchés. Je dois me féliciter de mon voyage en Italie ; je crois que j’y resterai long-temps. Un autre avantage, c’est que le climat, au lieu de m’être contraire, m’est extrêmement favorable.... Mon état me coûte beaucoup ; je suis forcé d’avoir continuellement des modèles pour mes tableaux, car je suis résolu à ne pas faire un trait sans ce secours, qui ne peut jamais tromper... Je fais des excursions dans les montagnes les plus sauvages, et j’y trouve des motifs tout nouveaux pour ce genre. »