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petits tableaux qui lui sont demandés par des amateurs de son pays. Sa force de volonté semble, pour lui, multiplier les heures, et donne du ressort à une constitution qu’une assiduité sans repos aurait dû briser.

A son début, il s’était essayé dans le genre des intérieurs, et il avait fait entre autres une Procession dans l’église romaine des saints Côme et Damien, pour laquelle le prieur du couvent avait posé ; mais Granet, à qui il avait montré sa peinture, lui avait dit : « Laissez donc ces tableaux à murailles pour les gens qui ne savent pas dessiner la figure. » De ce moment, la vocation de Robert avait été décidée. Voici comme il rend compte à Brandt de ses travaux, sous la date du 6 mai 1819 :

« Je commence, mon cher, par te dire comment j’ai passé mon temps depuis que je suis à Rome. J’ai employé les premiers mois à apprendre à connaître Rome, à faire un grand nombre de croquis, et à essayer quelques esquisses peintes d’après nature ou de ma composition. J’ai aussi, il y a quelques mois, commencé un tableau, un intérieur, qu’on m’a commandé. Il est maintenant fini, et ceux qui le voient en font l’éloge. Je suis sur le point d’en terminer un autre de la même grandeur : je crois qu’il plaira davantage. Je cherche à suivre la nature en tout. David nous disait toujours que c’est le seul maître que l’on puisse suivre sans craindre de s’égarer. Ah ! mon cher, que je suis heureux ! que l’Italie est belle ! avec quelle force le plaisir de tout ce que je vois et que j’admire s’augmente continuellement ! Ces contrées sont faites pour l’artiste, ou plutôt l’artiste seul est en état d’en sentir les beautés. »

Enfin, après bien des efforts, après bien des inquiétudes, l’espérance vint à son tour, quand, au bout de trois ans, en 1820, il eut réuni dans son atelier une douzaine de tableaux dont les artistes faisaient l’éloge et qui plaisaient par leur originalité.

En effet, dans l’année 1819, une circonstance singulière lui fournit l’occasion de traiter avec talent un genre tout-à-fait nouveau. Les brigandages des Apennins avaient rendu chaque jour plus dangereux le voyage de Naples. Dans les états romains, les bandes détruites renaissaient de leurs cendres. Le secrétaire d’état de Pie VII, le cardinal Consalvi, avait été arrêté par le fameux brigand surnommé le Barbone, qui, fatigué de son métier d’aventures, n’avait relâché le cardinal que sur la promesse d’une place dans la police romaine. Les routes et la campagne étaient alors battues par d’autres bandes organisées sous la conduite de Gasparone de Sonnino. Les brigands, poussant leurs courses jusqu’à Albano, arrêtaient les voyageurs presque aux portes de la ville sainte. En vain des colonnes mobiles de carabiniers étaient formées pour courir sus aux bandits ; la peur avait été sur le point de tout désorganiser : pas un officier n’avait voulu partir. Enfin un homme de résolution se rencontra ; un Français, maréchal-des-logis chef, nommé Dubois, décoré de la Légion-d’Honneur par Napoléon, fut choisi pour