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être : graveur, peintre ou sculpteur. Il ne cessa, dans tous les cas, de lui conseiller de faire marcher de front l’étude de la peinture et celle de la gravure, dans l’intérêt même de son burin ; — conseil judicieux à coup sûr, mais comparaison dangereuse pour l’élève, car tôt ou tard l’ingrate et aride lenteur du burin, qui n’a d’autre ressource que le blanc et le noir, devait ne pas tenir contre les séductions du pinceau, qui se joue avec la lumière colorée. Néanmoins les progrès du jeune graveur furent rapides, car, laissé à lui-même par Girardet, qui retourna dans son pays, il fut en mesure de concourir, dans l’année 1814, pour le grand prix de gravure en taille-douce. Il obtint le second grand prix ; le premier fut remporté par son compatriote et son camarade, Charles Forster, du Locle, plus âgé que lui, et qui, l’année précédente, avait obtenu le second.

Dans l’atelier de David, Robert se lia avec deux condisciples distingués qui, plus tard, devaient l’environner de leurs soins et l’aider de leurs conseils à son arrivée à Rome : M. Navez de Bruxelles[1] et M. Victor Schnetz, dernièrement directeur de l’académie de France à Rome, artiste aussi distingué par la franchise et la fermeté du talent que par la sûreté du caractère. Avec eux, il suivit un cours d’ostéologie et de myologie, comme l’eût pu faire le plus assidu étudiant en chirurgie.

Cependant, bien que graveur un peu malgré lui, depuis surtout qu’il avait goûté des prompts et attrayans résultats du pinceau, Robert tint bon ; il laboura vaillamment le cuivre pour tenter, deux ans après, la fortune d’un nouveau concours de taille-douce, et enlever de haute lutte, avec le premier grand prix, la pension de Rome. Déjà sa pièce de concours était achevée, quand, la chute de Napoléon ayant fait rendre la principauté de Neufchâtel à la Prusse, Léopold fut déclaré étranger à la France, et, comme tel, rayé de la liste des concurrens, en mars 1816. Le coup était cruel, d’autant que la palme lui eût été acquise, car son heureux concurrent lui-même, Joseph Coiny, ayant vu, après la radiation, la pièce de Robert, ne put s’empêcher de lui dire : « Il est bien heureux pour moi que vous ayez été mis hors de

  1. M. Navez, né à Charleroy, le 16 novembre 1787, fils d’un magistrat, fut d’abord placé à Bruxelles dans l’atelier d’un peintre d’histoire alors en réputation, nommé François. Il y resta neuf ans et s’y fit remarquer. Ayant obtenu le premier prix à un concours de peinture d’histoire à Gand, il reçut la médaille des mains du comte d’Houdetot, préfet de cette ville, alors française, et cet homme distingué, artiste lui-même et ancien élève de David, l’engagea à se rendre à Paris et à se placer sous la direction de ce grand peintre. La société des beaux-arts de Bruxelles lui en donna les moyens en l’envoyant à Paris comme pensionnaire. Il ne quitta l’atelier de David que pour se rendre à Rome, à l’époque où cet artiste fut exilé. Après plus de quatre ans de séjour en Italie, il revint à Bruxelles, où s’était réfugié David ; il l’entoura de soins, et ce fut lui qui ferma les yeux à son maître vénéré. M. Navez, talent sérieux et classique, a beaucoup produit. Il est directeur du musée de peinture de Bruxelles et de l’académie des beaux-arts.