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d’Espagne et pour les dépenses extraordinaires des exercices 1828 et 1829, plus enfin le milliard des émigrés (que nous réduisons à 860 millions, à cause des annulations faites depuis 1830), il serait impossible, quelque partialité qu’on voulût y mettre, de ne pas reconnaître que, dans les 4,419,000,000 qui composaient la dette publique au 31 juillet 1830, 1,500,000,000 pour le moins étaient exclusivement imputables à la restauration.

Maintenant, quelle était, au moment de sa chute, la situation financière de ce gouvernement ? A la condition de ne donner aucune impulsion au pays, de n’entreprendre aucun grand travail productif, car les canaux de 1821, son unique essai en ce genre, ne furent, comme on sait, qu’un grand avortement, à la condition de n’entretenir qu’imparfaitement nos routes, nos ports, nos arsenaux, et de laisser tomber en ruine nos places fortes et jusqu’à nos églises, le trésor était parvenu à fermer une bonne partie de ses plaies, et son crédit s’en était naturellement affermi. Sans la nécessité de sacrifier ses meilleures ressources à l’avidité d’un parti, le gouvernement de la restauration serait certainement sorti de cette sorte de convalescence prolongée qui l’empêchait de rien entreprendre ; mais, faute d’avoir procuré au pays de nouveaux instrumens de production, faute d’avoir augmenté la richesse générale, ses revenus demeuraient presque stationnaires. Il avait à la fois assez de crédit pour emprunter à de bonnes conditions, et assez peu de revenus pour n’être pas quelquefois embarrassé. C’est ainsi que dans sa dernière année on le vit trouver prêteur pour 80 millions au-dessus du pair, en même temps qu’il anticipait ses coupes de bois, réduit, pour ainsi dire, à couper deux ordinaires à la fois pour se procurer la ressource de 50 millions au lieu de 25.

C’est dans cette situation nullement alarmante, mais encore moins magnifique, que le gouvernement de juillet reçut les finances de la France. La dette dont il prenait l’héritage s’élevait, nous le répétons, à 4 milliards 419 millions !

Maintenant quelle est la dette qu’il laisse à ses successeurs ?

M. Garnier-Pagès, dans son rapport du 9 mars, constate que la dette publique, au 1er janvier 1848, s’élevait à 5 milliards 179 millions. Il comprend dans son calcul les mêmes élémens que nous avons pris pour base au 31 juillet 1830, savoir, la dette consolidée, déduction faite des rentes de la caisse d’amortissement, les emprunts de 1821 et 1822, les capitaux de cautionnemens et la dette flottante. C’est l’addition de toutes ces dettes réunies qui lui donne le chiffre de 5 milliards 179 millions. Ce chiffre, comparé à celui du 31 juillet 4830, fait ressortir une différence de 760 millions. Ainsi la dette publique, selon M. Garnier-Pagès, se serait accrue d’un capital de 760 millions pendant les dix-sept années qui viennent de s’écouler.