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équilibre, il y a inscrit des recettes évidemment inférieures à celles qui devaient se réaliser, on en concluerait que cette sorte de fiction légale, une fois admise pour 1849, doit devenir une réalité pour 1848 ? Nous comprendrions qu’on se fût autorisé des faits accomplis en janvier et février pour nier la possibilité de toute augmentation de recettes dans les dix autres mois de l’année ; mais conclure du statu quo au mouvement rétrograde, c’est un système d’induction dont jusqu’ici nous ne connaissions pas d’exemples. On voit donc sur quelle base fragile, sur quel artifice[1], nous le répétons, reposent les chiffres imaginés par M. Garnier-Pagès. Nous ne sommes entré dans ces détails que pour montrer à quelles industrieuses subtilités il faut avoir recours, lorsqu’au lieu de confesser franchement la vérité, on s’impose la tâche de sauver avant tout certaines apparences, et lorsqu’on semble n’avoir d’autre but, en administrant les finances de son pays, que d’arranger le passé de manière à faire valoir le présent.

Le déficit de 73 millions une fois expliqué, il ne peut plus en être question. Reste donc seulement le chiffre maximum de 48 millions qui, selon toute apparence, n’aurait pas été atteint et, à coup sûr, pas dépassé. Nous appliquons à ce découvert les réserves de l’amortissement pour 1848, montant à 83 millions 980,000 francs (soit 84 millions), et il reste encore un excédant d’environ 36 millions qui serait venu soulager l’exercice 1849 en couvrant jusqu’à due concurrence les avances faites par la dette flottante aux travaux extraordinaires.

Voilà quelle eût été, en réalité, la situation du budget de 1848. Il se serait réglé, comme on voit, sans la moindre difficulté. Le budget de 1849 se fût présenté dans des conditions encore plus favorables. La seconde moitié de l’emprunt assurait le service des travaux extraordinaires. En supposant que des besoins imprévus se fussent manifestés et eussent encore produit dans le budget ordinaire un certain excédant des dépenses sur les recettes, on avait pour le couvrir le reste disponible des réserves de 1848 ; celles de 1849 s’élevant à plus de 86 millions, ajoutées à celles de 1850, permettaient de solder, sans recourir à d’autres ressources, tous les travaux extraordinaires de ce dernier exercice. Enfin, en 1851, le gouvernement et les chambres se seraient entendus pour choisir entre ces deux systèmes : ou bien retarder un peu l’achèvement des travaux ; n’en exécuter chaque année que pour une somme égale aux réserves de l’amortissement, de 80 à 90 millions, ou bien achever tout en deux années au moyen d’un nouvel emprunt.

  1. Ce qu’il y a de plus remarquable, c’est que M. Garnier-Pagès, qui applique à 1848 les diminutions prévues pour 1849 en conséquence des faits accomplis en 1847, se garde bien de faire le même report pour les augmentations, ce qui serait pourtant de toute justice une fois son principe admis ; mais alors il ne trouverait pas son supplément de déficit, et l’effet serait manqué.