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plus une dizaine de millions à prélever sur les versemens des compagnies de chemins de fer ou autres rentrées du trésor. En un mot, les travaux extraordinaires avaient leur paiement assuré, et ne pouvaient laisser aucun découvert dans le budget, on est obligé de le reconnaître. Dès-lors, à quoi bon se donner la satisfaction d’énoncer un déficit énorme de 243 millions, pour avouer aussitôt que, quant aux deux tiers au moins de cette somme, le déficit n’existe pas ?

Le service extraordinaire étant mis de côté, reste donc seulement l’insuffisance dont le service ordinaire était, dit-on, menacé.

Si nous voulions abréger ce débat, nous pourrions sans difficulté admettre le chiffre de cette insuffisance, que M. Garnier-Pagès évalue à 73 millions, et que M. Duclerc porte, je ne sais pourquoi, à 3 ou 4 millions de plus. Nous leur dirions : Les réserves de l’amortissement, d’après votre propre aveu, seront libres à partir du 1er janvier 1848, puisque vous reconnaissez que tous les découverts jusques et y compris ceux de 1847 sont définitivement comblés ; or, ces réserves s’élèveront pour 1848 à 84 millions : supposez une insuffisance de 73 ou de 76 millions, peu importe, elle n’en sera pas moins couverte et au-delà ; il y aura même un reliquat disponible. Donc, si la monarchie fût restée debout, les dépenses tant ordinaires qu’extraordinaires du présent exercice auraient été soldées en fin d’année. 1848 n’eût légué aucune charge aux exercices suivans, et l’avenir aussi bien que le présent nous semblerait jusqu’ici à l’abri de tout danger.

Quelle que soit notre envie d’être bref, il faut qu’on nous permette de n’être pas aussi accommodant. Le déficit de 73 millions (je prends le chiffre de M. Garnier-Pagès) repose sur un si étrange artifice, qu’on ne peut se dispenser d’en révéler le secret.

Nous ne contestons pas que l’exercice 1848, héritier d’une partie des fardeaux de 1847, ne dût probablement se clore en déficit. Le ministre des finances de l’ancien gouvernement l’avait lui-même déclaré dès le début de la dernière session. En supposant les circonstances très favorables, peut-être en règlement définitif le déficit aurait-il disparu. Avec des circonstances ordinaires, il eût été insignifiant ; en mettant tout au pis, il n’eût jamais dépassé 48 millions. Nous disons jamais, parce que, pour atteindre cette limite extrême, il fallait admettre trois hypothèses, savoir ; que tous les crédits supplémentaires et extraordinaires dont chaque département ministériel, après examen attentif de ses besoins pour 1848, avait exprimé le désir, seraient jugés nécessaires et admis ; en second lieu, que tous ces crédits seraient totalement consommés, et que, pour la première fois peut-être, il ne serait fait aucune déduction pour les annulations que présente toujours la liquidation de chaque exercice jusqu’à concurrence de 20 à 30 millions ; enfin, que les recettes prévues resteraient stationnaires, et que, par exception,