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principes de Champollion. Ceci posé, j’aborde la question de l’existence des castes dans l’ancienne Égypte.

Commençons par déterminer avec précision le sens du mot caste. Ce mot vient du portugais casta, qui veut dire famille, lignée, lignage. Au reste, caste n’est pas le seul terme employé pour désigner quelques particularités des sociétés de l’Orient qui dérive du portugais. Mandarin et bayadère veulent dire en cette langue l’un magistrat, l’autre danseuse. Ceux qui, en employant ces expressions, croiraient faire de la couleur locale, doivent renoncer à la satisfaction de se servir en français d’un mot chinois ou d’un mot indien. Tout ce qu’ils peuvent espérer, c’est de montrer que, s’ils ignorent les langues orientales, ils ne connaissent pas mieux les langues de l’Europe.

C’est en parlant de l’Inde que le mot caste est surtout employé aujourd’hui. On désigne par ce nom les quatre ordres de l’ancienne société indoue, tels que les présentent les institutions de Manon elles deux grandes épopées nationales, le Ramayana et le Mahaharata. Ces quatre ordres sont les brachmanes, les kchatryas (guerriers), les vyasas (marchands), les soudras (serviteurs).

Le mot caste s’applique aussi à une foule innombrable de subdivisions des castes principales. Chacune de ces subdivisions, dans l’Inde, est vouée à une industrie ou à une profession particulière. Chaque individu faisant partie d’une de ces castes doit rester pur de toute alliance, souvent même de tout contact avec les individus et s’interdire tous les métiers étrangers à sa caste. S’il manque à l’une ou l’autre de ces obligations, il perd la caste.

Ainsi trois conditions me paraissent essentielles à l’existence de la caste : s’abstenir de certaines professions qui lui sont étrangères et interdites, se préserver de toute alliance en dehors de la caste, continuer la profession qu’on a reçue de ses pères. Bien que ces conditions n’aient pas toujours été remplies rigoureusement en Orient, et ne l’aient presque jamais été en Occident, on s’est servi du mot caste pour désigner par une exagération un peu malveillante les classes aristocratiques et sacerdotales de nos sociétés modernes. La caste n’a pu exister réellement dans aucun état chrétien, car la caste constitue un fait social incompatible avec l’égalité des natures humaines proclamée par le christianisme. La noblesse et le clergé n’ont jamais formé de véritables castes dans le sens absolu du mot, mais on a appelé ainsi ces ordres parce qu’on trouvait chez eux les caractères dominans de la caste, savoir : des professions exclusives spéciales ; chez les nobles, des professions héréditaires et un éloignement plus ou moins constant pour s’allier à ce qui était hors de leur classe.

Dans l’Inde, la distinction entre les castes semble se rattacher à une diversité de race ; le mot sanscrit varna, par lequel sont désignées les