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huit jours sans pouvoir seulement étendre leurs membres fatigués et endoloris par la fièvre, et sans que leur sacrifice fût d’aucune utilité pour l’armée lombarde, puisque le prétendu blocus de Mantoue n’existait que du côté du lac, tandis que l’entrée et la sortie de la ville étaient entièrement libres de tous les autres côtés.

Quant au vaillant bataillon universitaire de Pise, qui emportait sur le champ de bataille toutes les espérances d’une génération, personne n’ignore que, chargé de défendre la position de Curtatone, il fut abandonné seul aux prises avec une division tout entière d’Autrichiens pendant huit heures, et que les secours tardifs envoyés par Charles-Albert à Curtatone ne trouvèrent que des monceaux de cadavres.

Naples s’était engagé à envoyer en Lombardie une forte armée, et l’ardeur extrême de la population ne permit pas au gouvernement de manquer à sa parole. Chacun connaît l’horrible catastrophe qui rétablit le roi dans l’exercice de son autorité, et lui permit de rappeler ses troupes ; mais ce que l’on ignore, ce sont les causes de cette catastrophe, puisqu’on l’attribue généralement à l’impatience du parti républicain de Naples. Si ce parti existe réellement dans le royaume de Naples, toujours est-il qu’il ne se montra aucunement dans les derniers troubles de ce pays. Il était, depuis quelque temps, question de réformer le statut royal, que personne n’approuvait, et l’opinion publique s’était hautement prononcée pour une seule chambre. La querelle commença par une pétition des députés prêts à s’assembler, qui exprimaient leur désir de voir le statut royal réformé dans le sens indiqué par le vœu unanime du pays. Le roi répondit avec humeur, fit circuler des troupes et se mit en état de défense dans son palais. Le peuple, de son côté, fit des barricades, mais ni lui, ni les soldats ne pensaient que ces préparatifs dussent avoir des suites sérieuses. En effet, les bases d’une transaction amicale venaient d’être arrêtées, lorsqu’un coup de fusil, parti l’on ne sait d’où, donna le signal du combat et alla frapper mortellement un Suisse. Les vengeances royales eurent ensuite leur cours, et exigèrent le retour des troupes. Le général Pépé essaya vainement de retenir son armée sur le théâtre de la guerre ; il vit ses bataillons le quitter peu à peu, et il demeura seul avec quelques légions de volontaires : c’était sur ceux-ci qu’il fallait en effet s’appuyer.

Naples avait envoyé quatre colonnes de volontaires. Bientôt cependant un tiers au moins de ces jeunes gens rentra dans ses foyers, disant aux Napolitains qui se préparaient à partir comme eux pour la Lombardie : « Les Lombards ne veulent pas de nous ; pourquoi aller les secourir contre leur gré ?» Ce reproche des volontaires n’était fondé qu’à demi. Ce n’était pas la population milanaise qui avait repoussé les Napolitains : elle les avait accueillis comme des frères, et toutes les maisons leur avaient été ouvertes ; mais le gouvernement provisoire