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l’eut vu faire son entrée à Vérone, il fit volte-face et retourna à Vicence pour y établir son quartier-général. Bientôt, cependant, l’armée autrichienne presque entière, qui était renfermée à Vérone, en sortit pour se porter sur Vicence. Charles-Albert, qui venait, après un combat sanglant, de s’emparer de Rivoli, envoya un courrier à Durando pour lui demander combien de jours il pouvait tenir dans Vicence. — « Six ou huit jours au moins, » répondit le général, et, sur cette réponse, Charles-Albert prit ses mesures pour lui apporter du secours[1].

La confiance que les habitans de Vicence plaçaient dans l’appui de l’armée romaine eut-elle pour effet de ralentir leur propre activité, et pensèrent-ils que le salut de la ville ne dépendait plus de leur seul courage ? On le croirait en voyant la rapidité avec laquelle les Autrichiens s’emparèrent des hauteurs qui dominent cette ville. C’était un malheur, mais ce malheur était réparable. Le général Durando sembla en juger différemment, car, à peine les canons ennemis avaient-ils commencé à lancer les bombes dans l’intérieur de la ville, qu’il fit déployer le drapeau blanc, signe muet de la reddition de toute place. Les citoyens ne l’eurent pas plutôt aperçu, qu’ils forcèrent le général à le retirer et à continuer le combat ; mais, au milieu de la bataille même, le malheureux drapeau blanc reparut d’un autre côté de la ville. Avertis de nouveau que la capitulation allait être conclue, les habitans furieux tirèrent à plusieurs reprises sur le drapeau et le firent tomber. Toutefois le signe seul disparaissait, la chose demeurait ; la honte était consommée, et la ville se rendait, après un combat de quelques heures, ayant une armée entre ses murs pour la défendre, et une autre armée à peu d’heures de distance pour la secourir. Les termes de la capitulation sont connus. Le général se réservait la faculté de quitter la ville, accompagné de ses soldats et de ceux des citoyens qui voudraient le suivre, avec armes et bagages. Il s’engageait, en son propre nom et au nom de ses troupes, à ne point porter les armes contre l’Autriche pendant trois mois. On était alors au commencement de juin, et ces trois mois sont écoulés.

Le général Durando avait quitté Vicence, suivi d’une partie de la population, et les Autrichiens n’avaient pas craint d’insulter, de maltraiter, au mépris de la convention, les citoyens sortis les derniers de la ville. L’armée romaine avait repris la route de Ferrare, et tout était accompli, lorsque les troupes piémontaises se présentèrent devant Vérone. Hélas ! le drapeau jaune et noir y flottait sur tous les murs ; les hommes dépêchés en éclaireurs apportèrent la triste nouvelle que tout

  1. Je rapporte ici les faits d’après la version de l’armée piémontaise et de l’état-major du roi lui-même, et je n’en garantis pas l’exactitude ; mais ce qui m’engage à y ajouter quelque foi, c’est l’extrême difficulté que j’éprouve à trouver une autre explication quelque peu plausible de ces événemens.