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bons cultivateurs à Madère et aux Açores. L’île de la Réunion, plus heureusement située pour opérer ses recrutemens, se procurera des Coulis à Pondichéry, comme Maurice s’en est procuré à Madras et à Calcutta. Les Chinois, si sobres et si patiens, les Abyssins, population chrétienne et intelligente, lui offrent aussi des bras dont elle pourra faire un utile emploi.

Si les Açores et Madère ne suffisaient pas aux besoins de nos colonies d’Amérique, on pourrait s’adresser à d’autres foyers d’émigration. Nous savons combien il est périlleux de demander des travailleurs à la côte d’Afrique, où la traite des noirs se fait encore sur une grande échelle ; cependant nous pensons qu’avec la surveillance de l’escadre nombreuse entretenue par nous sur ce vaste littoral, il serait possible d’y organiser un bon service de recrutement. On éviterait tous les abus en ne permettant les enrôlemens que dans nos comptoirs et par l’entremise d’un agent du gouvernement. Ces opérations sont très délicates et exigent un contrôle sévère de la part de l’administration. Un règlement serait à faire pour déterminer les conditions propres à constater l’état de liberté de l’enrôlé, au moment de son embarquement et de son arrivée dans la colonie, à lui garantir la faculté de choisir son maître et le genre de travail auquel il veut se livrer, enfin à assurer son retour dans son pays à l’expiration du contrat de louage. Il est également utile de fixer la durée des engagemens, d’en assurer la fidèle exécution, et d’empêcher que le nombre des hommes introduits dans chaque colonie soit en disproportion avec celui des femmes. C’est ce qui a été pratiqué avec succès par l’Angleterre. De 1835 à 1846, elle a introduit à Maurice plus de 85,000 Coulis et plusieurs milliers de Malgaches et de Chinois ; à la Guyane, elle a transporté, dans le même espace de temps, 35,000 Africains, Coulis, Portugais et Allemands, et à la Jamaïque et à la Trinité, au moins 40,000 ouvriers de toute provenance. Malgré ces renforts considérables, le travail, dans les possessions britanniques, a éprouvé une si vive secousse par l’abolition de l’esclavage, que les demandes de travailleurs sont aujourd’hui aussi vives que jamais.

Comment nos colonies feront-elles face aux dépenses de l’immigration ? On ne peut pas espérer qu’elles puissent, à l’exemple de la Jamaïque et de Maurice, prendre au compte de leur budget local une charge aussi lourde. Il serait dérisoire de leur demander de créer des impôts ; d’ailleurs, ne pourrait-on pas faire un reproche d’injustice à ce système, puisqu’il répartirait sur la classe même dont l’immigration diminue les salaires une partie de la dépense de l’opération ?

Nous pensons que le gouvernement métropolitain aurait à prendre à son compte une part importante des frais de cette entreprise. Il se chargerait des transports et de la rémunération des agens de