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Le choléra est venu des Indes en Perse par les caravanes. Les hadjis ou pèlerins persans l’ont porté à la Mekke et à Médine, où cette année se trouvent à peu près cent mille pèlerins, venus de tous les pays musulmans ; la maladie aussitôt s’est manifestée d’une manière effrayante, et a enlevé, dans l’espace de quatre à cinq jours, quarante mille hadjis. Puis le temps de partir est arrivé, et de ce centre commun les caravanes se sont dirigées, l’une pour Bagdad, l’autre pour Constantinople par la Syrie, l’autre pour la Haute-Égypte par la mer Rouge et Kosseïr, enfin la plus nombreuse pour la Basse-Égypte, le Delta, le Caire et Alexandrie ; ainsi la maladie que les Arabes appellent le vent jaune a éclaté en même temps partout….

« Nous sommes arrivés au Caire après la maladie, et il n’y a plus rien dans la Haute-Égypte. Nous partons sous peu pour ce pays. »

Profitant de son séjour au Caire, où il a trouvé le motif de tant de délicieux tableaux, Marilhat en fait à la plume le croquis suivant, avec une netteté et une finesse admirables : « La ville se présente à vous comme les mille petites tourelles dentelées d’un édifice gothique au pied d’une montagne blanchâtre assez escarpée et flanquée d’une citadelle à tours et à dômes blancs dans le goût turc. D’une part, vers la montagne, le désert avec toute son aridité, sa désolation, et, pour y ajouter encore, la ville des tombeaux, espère de cité qui à ses rues, ses maisons, ses quartiers, ses palais, et n’a d’habitans vivans que quelques reptiles, quelques oiseaux solitaires et d’immenses vautours placés sur les minarets comme les vedettes de cette triste population ; de l’autre part, vers le Nil, des champs couverts d’une verdure brillante, et (du moins à l’époque où nous y étions) de temps en temps de charmantes pièces d’eau, restes de l’inondation, miroitant au sein de cette verdure ; des jardins couverts d’arbres épais et noirs, d’où s’élèvent comme autant d’aigrettes des milliers de palmiers avec leurs belles grappes rouges ou dorées. Au milieu de ce contraste se trouve la ville, tout-à-fait en harmonie avec ce paysage bizarre, immense ramas d’édifices à toits plats sans tuiles, noircis par la fumée et couverts de poussière : de loin en loin, un édifice neuf, blanc et scintillant, jaillit de ce tas de maisons grisâtres, de ces rues étroites et noires où se remue un peuple sale quoique très brillant et bariolé ; de cette poussière, de cette fumée bleue s’élancent vers l’air libre mille et mille minarets, comme le palmier des jardins, minarets couverts d’ornemens légers à l’arabe et cerclés de leurs trois galères de dentelles superposées. C’est un admirable spectacle, fait pour enthousiasmer un peintre. »

Ensuite il ajoute, en parlant de son projet de voyage dans la Haute-Égypte : « C’est un beau voyage que celui de la Haute-Égypte, facile à faire avec agrément. Il y a ici fréquemment des dames anglaises qui