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reprises exprime cette opinion : qu’un bon croquis vaut mieux que toutes les descriptions inimaginables ; il avait plus que personne le droit d’émettre cet avis, mais chacun fait comme il peut. Si la description littéraire est moins exacte, elle à cet avantage, d’être successive, et Marilhat lui-même s’est donné tort par plusieurs passages charmans et pittoresques.

La première de ces lettres est datée du 16 mai 1831, à bord du brick le d’Assas, en rade de Navarin. Le jeune voyageur y parle de la Provence, qu’il vient de traverser « juste au moment des roses et des arbres de Judée, » de la route de Marseille à Toulon, si aride et si sauvage, du joli vallon chargé d’oliviers en fleur qu’on parcourt avant d’entrer dans cette dernière ville.

Il continue d’un ton badin en s’excusant de ne pas décrire d’une façon détaillée des choses si connues, et, s’adressant à sa sœur, « je le dirai seulement, comme dans Plik et Plok : Corbleu ! c’est un joli brick que le brick le d’Assas ! Il est fin, léger, coquet, d’une propreté merveilleuse, et c’est, les marins en conviennent, le plus joli navire qu’on ait mis à l’eau depuis long-temps. Il n’a que dix-huit mois, ayant été lancé à Rochefort lors de l’expédition d’Alger, ce qui ne m’a pas empêché d’avoir le mal de mer. C’est une diable de chose que le mal de mer ! Veux-tu savoir ce que c’est ? On entre dans un navire, on est fort gai. Peu à peu les figures changent, l’une s’allonge, l’autre s’élargit, une autre devient rouge, une autre devient verte. Les plaisanteries cessent, on s’aligne entre les caronades, et…. »

Débarqué à Navarin avec ses compagnons, le jeune voyageur indique ainsi son itinéraire : « Nous irons voir l’ancienne Arcadie et quelques ruines grecques. Nous nous réembarquerons immédiatement pour Napoli de Remanie. De là nous nous dirigerons vers Athènes, Sparte et toutes les villes de Grèce que nous pourrons visiter ; puis, nous embarquant de nouveau, nous gagnerons Candie, ensuite Alexandrie, d’où nous commencerons notre voyage en Syrie, dont je parlerai dans ma prochaine lettre. »

Cette excursion accomplie, Marilhat tient sa parole, et d’Alexandrie envoie à sa sœur la lettre suivante qui contient ses premières impressions orientales : « Tu dois savoir, ma chère amie, qu’il y a déjà huit jours que nous sommes à Alexandrie, et ces huit jours ne m’ont pas paru longs, je t’assure, quoique nous soyons assassinés par les cousins et les moustiques et quoique le soleil soit passablement ardent ; mais il y a dans toute la ville quelque chose de si neuf pour moi, dans les habitans quelque chose de si original, que le temps se passe très vite à voir et à dessiner dans les bazars et les places publiques toutes ces figures si noblement déguenillées. Quelle différence avec notre froide et propre France. »