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noisette, à laquelle on assignait un prix énorme. Aujourd’hui l’opale, qui nous vient en grande quantité de la Hongrie, a beaucoup perdu de sa valeur. Pourtant une belle opale de flamme à grands reflets, richement colorée, taillée en cabochon et de cinq lignes de diamètre, coûte encore de 800 à 1 000 francs.

Au-dessous des pierres précieuses proprement dites, se trouvent les pierres d’ornement qui, ayant assez peu de valeur par elles-mêmes, acquièrent souvent un prix très élevé par suite de l’habileté de l’artiste qui les emploie. Dans ce nombre, nous compterons surtout la silice, tantôt à l’état de cristal de roche ou de quelques variétés de quartz hyalin coloré, tantôt à celui d’agate. Avec le premier, les peuples les plus anciennement civilisés de l’Europe, et peut-être les Chinois avant eux, ont fait des vases, des coupes, des urnes, qui supposent d’ordinaire plus de patience et de dextérité que d’art proprement dit. On voit qu’il s’agit généralement ici d’une véritable fabrication entreprise par des ouvriers habiles plutôt que par des artistes. Il n’en est pas de même des agates connues sous le nom d’onyx de sardoine, de sardonyx. Ces pierres dures ont été, de tout temps, mises en œuvre par les graveurs du premier mérite, et c’est presque toujours en s’adressant à ces diverses variétés du silex que les artistes modernes ont cherché à lutter avec les chefs-d’œuvre de même nature que nous a laissés l’antiquité. Malheureusement, quel que puisse être le talent de nos contemporains, ils n’ont pu en laisser d’aussi magnifiques preuves que leurs devanciers. Nos agates sont loin de valoir celles des anciens. Nous ignorons aujourd’hui encore le point du globe d’où les Grecs et les Romains liraient leurs pierres dures, aussi remarquables par leurs grandes dimensions que par la finesse du grain, la pureté et l’intensité des couleurs. Ctésias place dans l’Orient les hautes montagnes d’où l’on tirait, de son temps, les sardoines et les onyx. Pline vante les sardoines de l’Inde. Peut-être les contrées qui fournissaient aux artistes ces matériaux précieux font-elles partie de celles que la domination des musulmans à demi sauvages rend, de nos jours, presque inaccessibles aux voyageurs, tandis qu’elles étaient autrefois parcourues par les commerçans qui se rendaient aux colonies grecques de l’Hyrcanie et de la Bactriane. Telle est du moins l’opinion émise par M. Mongez.

Le premier volume de l’ouvrage de M. Dufrenoy est entièrement consacré à l’histoire générale des minéraux,. histoire dont nous venons d’indiquer quelques traits. En entrant dans les détails de la minéralogie, l’auteur a rencontré tout d’abord une difficulté qu’il nous paraît avoir résolue d’après des principes vraiment scientifiques. Nous voulons parler de la classification. Parmi les auteurs qui se sont occupés de cette question, les uns, et en particulier Werner et Mohs, minéralogistes allemands, n’ont tenu compte dans la description des espèces que des caractères extérieurs ; d’autres, et surtout Berzelius et M. Beudant, se sont surtout préoccupés des caractères chimiques ; la plupart avaient subordonné l’établissement des grandes divisions à une seule espèce ' de caractères regardés comme dominateurs.

M. Alexandre Brongniart, qui vient de terminer récemment une des plus honorables carrières scientifiques des temps modernes, fit faire à la classification minéralogique un progrès très réel, en proclamant une vérité trop méconnue encore aujourd’hui par quelques naturalistes. M. Brongniart reconnut