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électrique ; mais M. Weiss a montré que ces faits exceptionnels tenaient à ce que, dans certains cas, la nature ne forme que des demi-cristaux. C’est ce qu’il a désigné par l’expression d’hémiédrie. Cette découverte de M. Weiss est réellement d’un grand intérêt, en ce qu’elle confirme les lois de symétrie posées par Haüy et permet d’interpréter certains faits de dérivation qu’on ne pouvait expliquer auparavant. On comprend, en effet, que la modification qui frappe un demi-cristal ne peut se répéter dans une moitié qui n’existe pas.

On ne doit pas être surpris de voir les minéralogistes attacher une haute importance à la connaissance précise des lois qui règlent les modifications des types cristallins. Les six formes fondamentales ou primitives donnent naissance à toutes les formes secondaires, et le nombre de ces dernières est presque infini. Une seule substance présente parfois une quantité surprenante de dérivés. La chaux carbonatée, par exemple, appartient au système rhomboédrique. Eh bien ! M. de Bournon, qui a consacré deux volumes à la monographie de cette espèce minérale, ne compte pas moins de huit cents formes différentes, toutes bien distinctes et caractérisées. On voit combien serait inextricable la masse des faits dont se compose la minéralogie, si les lois découvertes par Haüy ne venaient, comme un fil conducteur, guider le savant au milieu de ce labyrinthe.

L’étude des substances minérales ne s’arrête pas à leurs formes extérieures ; elle comprend encore l’examen approfondi de leurs propriétés physiques et chimiques, et ici la minéralogie, en empruntant le secours des autres sciences, leur fournit, en revanche, de riches sujets de recherches. Sans entrer ici dans des détails peut-être trop techniques, nous essaierons de donner une idée de quelques-uns de ces curieux phénomènes.

Depuis long-temps chacun sait qu’un diamant frotté légèrement sur la laine ou la soie acquiert la propriété d’attirer les corps légers placés dans leur voisinage. Bien des gens regardent même ce fait comme une preuve certaine de la finesse de la pierre essayée. C’est là une erreur : cette faculté d’attraction est due à l’électricité qui se développe par le frottement à la surface de plusieurs espèces de corps, et, par exemple, le verre le plus commun est susceptible de l’acquérir aussi bien que le plus précieux diamant ; mais, parmi les minéraux, il en est qui jouissent d’une propriété électrique bien autrement singulière.

On sait que les physiciens admettent l’existence de deux espèces d’électricité, qui ont reçu les noms d’électricité vitrée ou positive et d’électricité résineuse ou négative. Lorsqu’on frotte un corps, comme le verre ou le diamant dont nous parlions tout à l’heure, ce corps semble s’envelopper d’une couche électrique sensiblement uniforme et partout de la même nature. La surface entière est électrisée, soit positivement, soit négativement.

Eh bien ! certains minéraux, la tourmaline par exemple, s’électrisent par l’action seule de la chaleur, mais s’électrisent de telle sorte qu’une de leurs extrémités est électrisée positivement, tandis que l’autre est électrisée négativement, et qu’entre ces deux extrêmes il est un point où on ne découvre aucune trace d’électricité. M. Becquerel père, un des physiciens qui ont le mieux su arriver aux résultats les plus importans par l’étude de ce que bien des gens appellent