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formes peuvent se déduire les unes des autres par des lois constantes, il fit connaître ces lois. Dès-lors les cristaux les plus variés, composés de la même substance, appartenant au même minéral, ne furent plus pour les minéralogistes des corps isolés, mais bien des dérivés d’une même forme fondamentale. Cette forme primitive se présente presque toujours dans le solide de clivage.

L’étude approfondie des formes cristallines a prouvé qu’elles pouvaient se rapporter toutes à six groupes distincts. Dans chacun de ces six groupes, tous les polyèdres peuvent se déduire rigoureusement de l’un d’eux, pris en quelque sorte arbitrairement comme point de départ. Ces polyèdres, ces cristaux auxquels on rapporte tous leurs dérivés, portent le nom de types cristallins. Haüy avait admis comme types : 1° l’octaèdre régulier, 2° le rhomboèdre, 3° l’octaèdre à base carrée, 4° l’octaèdre à base rectangle, 5° le prisme à base oblique symétrique, 6° le prisme à base oblique non symétrique. Les minéralogistes qui ont succédé à Haüy, surtout les minéralogistes allemands, ont employé d’autres termes et fondé leurs types cristallins sur des considérations un peu différentes de celles qui avaient guidé leur illustre prédécesseur. Ils ont pu ainsi croire ou faire croire qu’ils avaient apporté des modifications réelles à la science ; mais M. Dufrenoy, par la discussion de leurs systèmes, a démontré de la manière la plus nette qu’il n’y avait guère là qu’un changement de mots, et que tous ces types reviennent précisément à ceux qu’avait établis Haüy. Toutefois les minéralogistes français surtout ont pris pour types cristallins des polyèdres plus simples que ceux d’Haüy. Suivant l’exemple donné par M. Beudant, ils ont généralement substitué des prismes aux octaèdres, et M. Dufrenoy admet comme types dans son ouvrage 1° le cube, 2° le prisme droit à base carrée, 3° le prisme droit à base rectangulaire, 4° le rhomboèdre, 5° le prisme oblique rhomboïdal, 6° le prisme oblique non symétrique.

Ainsi, les bases de la minéralogie existent encore telles que les avait posées le fondateur de cette science. Disons tout de suite qu’il en est de même pour les lois qu’il a découvertes relativement à la détermination des espèces, à la dérivation des formes secondaires, aux relations existant entre les diverses formes que peut présenter la même substance minérale. Ici encore on a pu présenter les mêmes idées sous une forme nouvelle et parfois plus simple ; on a pu modifier les systèmes de notation, les méthodes de calcul, mais, en définitive les belles découvertes d’Haüy sont demeurées intactes, son système reste tout entier. Sur ce point, les prétentions de l’Allemagne ne sauraient évidemment être admises. Parmi les nombreux et célèbres minéralogistes qui se sont élevés dans cette partie de l’Europe, M. Weiss, professeur à Berlin, est peut-être le seul qui ait fait faire à la minéralogie un progrès réel et comblé une lacune importante laissée par Haüy.

En effet, une des lois les plus générales admises par ce dernier est que les cristaux sont essentiellement symétriques, c’est-à-dire qu’ils sont toujours composés de deux moitiés qui se répètent dans tous leurs détails. Il suit de là que toute modification portant sur une de leurs parties doit se répéter dans la partie correspondante. Or, il existe dans la nature des exceptions à cette loi. Haüy avait cru, pouvoir s’en rendre compte par des considérations de polarité