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avancés, de France. Ils avaient des représentans dans la convention chartiste de Londres ; il y avait entre eux une ligue offensive et défensive pour les six points de la charte en Angleterre et la république en Irlande. Dans le plan de l’insurrection, le tocsin de Dublin devait mettre en branle celui de Liverpool, de Manchester, de tout le nord manufacturier, et de Londres même.

On voit quel était l’état de « l’agitation » en Irlande quand la révolution de février vint lui donner une nouvelle impulsion. La commotion passa de Paris à Dublin avec une sorte d’électricité ; la république française fut saluée avec transport par les confédérés irlandais. Malheureusement ce fut surtout la république rouge.

Toujours est-il que l’exemple de Paris enflamma les hommes de la jeune Irlande, et dès ce moment ils prêchèrent ouvertement l’insurrection armée. Ils ouvrirent dans leurs journaux des cours de barricades, et dressèrent des plans de bataille dans Dublin sur le modèle de Paris. Comme Paris, Dublin est séparée en deux par la rivière, la Liffey au lieu de la Seine ; comme à Paris, on proposait de bloquer les troupes dans leurs casernes, de couvrir la ville de barricades, de couper les chemins de fer. Cela s’appela « la mode française, » french fashion, et le journal de M. Mitchell, l’United Irishman, publiait un plan d’opérations dont voici quelques fragmens :


« 1° La rue est une excellente ligne de tir pour des troupes disciplinées, mais c’est encore un meilleur défilé pour les prendre. On ne trouve pas dans le vocabulaire des manœuvres et commandemens des ordres comme ceux-ci : « Infanterie, préparez-vous à recevoir des pots, des morceaux de briques, des bûches, des chambranles de cheminée, des meubles, des tisonniers, etc., » et tout ceci, lancé verticalement sur une colonne qui passe, est d’un effet irrésistible. Les forces employées à cet exercice, c’est-à-dire les dames ou les servantes, ou les hommes qui ne peuvent pas faire mieux, ont le grand avantage d’être en sûreté ; plus la rue est étroite, la maison élevée, plus grave est le dommage, plus grande est la sécurité. C’est un plan de campagne que nous proposons aux méditations de la plus grande dame du pays. Des bouteilles ou autres projectiles peuvent frapper et blesser non-seulement l’infanterie, mais encore rendre les rues impraticables à la cavalerie et à l’artillerie. Un cheval peut danser sur des œufs, mais un escadron ne peut pas charger sur des bouteilles cassées. L’artillerie n’est pas plus à son aise en pareil cas, et les fantassins eux-mêmes ont bien de la peine à avancer. Ces armes admirables abondent dans chaque maison, et si chaque gamin se donne la peine de prendre une bouteille d’eau de soda, ou un flacon quelconque un peu épais, qu’il remplira de cailloux, de fragmens de fer ou d’un métal quelconque, qu’il fermera avec un bouchon percé, auquel il ajustera une mèche, il aura à sa disposition une bombe domestique, avec laquelle il courra la chance de se faire emporter le bras, ou de produire un effet terrible sur la cavalerie ou l’infanterie, surtout sur la cavalerie.

« 2° À ces projectiles les révolutionnaires ne manquent jamais d’ajouter de