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dont elle était si prodigue autrefois, et qui, lors du réveil de l’industrie et des affaires, seront plus utiles que jamais. Ainsi, répétons-le bien, la Banque s’est largement acquittée de l’obligation qu’elle a contractée vis-à-vis de l’état le jour où elle a demandé l’autorisation de ne plus rembourser ses billets en espèces. Exiger davantage, ce serait compromettre l’avenir d’un établissement qui a donné tant de gages de son patriotisme, et dont la prospérité est si nécessaire au pays.

Quant à l’emprunt, on lui a demandé tout ce qui était possible ; malgré l’heureuse avidité avec laquelle les petits capitalistes se sont jetés sur la rente, on ne saurait songer de long-temps à recourir encore à cette ressource après des émissions de rentes s’élevant à 50 millions. Espérons que cette énorme masse d’inscriptions, jetée à la fois sur la Bourse, n’écrasera pas trop le marché, et que les versemens successifs de l’emprunt se feront régulièrement. Ces versemens, on le sait, s’opèrent de mois en mois jusqu’en juillet 1849 ; c’est donc, comme l’a justement dit M. Thiers, un succès de crédit qu’il faut remporter chaque mois. Il est à regretter que le ministre n’ait pas exigé des souscripteurs des paiemens mensuels plus forts, afin de recevoir dans un temps plus court la totalité de l’emprunt ; nous pensons que ce n’était pas chose impossible, et que l’opération aurait pu se terminer en avril 1849, au lieu de s’étendre jusqu’en juillet. Constatons ici un fait qui prouve combien sont grandes les ressources de nos propres capitaux : c’est que le public français a seul participé à la dernière opération du crédit. Inquiets sur l’avenir de notre politique et l’état de notre pays, effrayés surtout par les doctrines de plusieurs des hommes qui ont traversé le pouvoir depuis quatre mois, doctrines que l’assemblée nationale n’a pas assez franchement répudiées lors du décret sur l’expropriation des chemins de fer, découragés par la perte que les décrets sur la consolidation des bons du trésor a fait subir aux créanciers de l’état, les étrangers se sont tenus à l’écart dans le dernier emprunt et ne nous ont pas apporté l’appui que, dans de semblables occasions, nous étions accoutumés à recevoir d’eux. Il faut dire aussi qu’ils ont été surpris de l’indifférence de l’assemblée nationale à exiger les comptes de la gestion financière du gouvernement provisoire. On sait parfaitement hors de France que le dernier ministre de la monarchie avait laissé près de 200 millions de ressources dans les coffres du trésor, et on est étonné que le gouvernement provisoire qui, en deux mois et demi, a dévoré toutes ces ressources, qui a eu en mains, pendant soixante-dix jours, tous les revenus de l’étal, qui en a usé sans le moindre contrôle, puisqu’il a même destitué la commission de surveillance de la caisse des dépôts et consignations, n’ait pas été forcé de rendre ses comptes depuis trois mois qu’il a déposé le pouvoir.

Il faut chercher, pour l’avenir, à rendre confiance aux capitaux