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celle qui eut du succès ; le reste, beaucoup plus vague, beaucoup moins susceptible d’application directe et immédiate, fut moins goûté et peu compris ; M. Goudchaux déclarait que dans sa pensée on avait trop tardé à résoudre la question de l’organisation du travail ; que, sous peine de voir s’effondrer le sol sur lequel reposait la république, il fallait en finir au plus tôt avec ce problème menaçant, et que le moyen d’y arriver était d’assurer à la classe ouvrière deux choses qui lui avaient manqué jusqu’ici, et qui, conférées aux travailleurs, feraient régner le véritable principe de l’égalité : à savoir, l’instruction gratuite et le crédit industriel. « Il faut prendre l’engagement immédiat de les leur donner, et vous pouvez immédiatement tenir cet engagement, en portant dans le budget des sommes suffisantes pour réaliser ce que vous promettrez. »

Telles étaient les paroles mêmes de M. Goudchaux dans la séance du 15 juin ; tel était, avec la dissolution immédiate des ateliers nationaux, le moyen qu’il offrait pour résoudre la question brûlante de l’organisation du travail ; il sommait la chambre de ne pas perdre de temps. « Le sol qui est sous nous est très mince, disait-il, nous avons à nous hâter. » L’avenir a jugé qu’il avait bien mis le doigt sur la plaie en demandant la dissolution des ateliers nationaux ; mais aujourd’hui M. Goudchaux ne regarde plus sans doute comme aussi pressante la réalisation des deux autres promesses, car, depuis six semaines qu’il est ministre, et ministre des finances chargé de la confection du budget de 1848, nous ne nous sommes pas aperçus qu’il ait porté au budget aucune somme pour réaliser les promesses d’instruction et de crédit qu’il réclamait avec tant d’instance comme représentant. Nous sommes loin de nous en plaindre. Si le ministre oublie quelque peu les doctrines socialistes du représentant, ce n’est pas nous qui lui ferons son procès sur ce chapitre. Quoi qu’il en soit, l’assemblée nationale goûta beaucoup les deux parties de son discours où il appela de ses vœux la dissolution des ateliers nationaux et où il protesta énergiquement contre toute création de papier-monnaie. Cette première apparition de M. Goudchaux à la tribune fut un succès, et lorsque l’insurrection de juin eut entraîné la chute de la commission exécutive et du ministère qui gouvernait alors, l’assemblée accueillit avec faveur le choix du ministre que le général Cavaignac nomma aux finances. Les singulières doctrines économiques de M. Duclerc, son extrême légèreté, son impopularité bien méritée dans le monde financier, nécessitaient son remplacement déjà même avant les événemens de juin. On se rappelle et le budget rectifié de 1848 présenté à l’assemblée nationale le 6 juin, soldant par un excédant de recettes de 4,700,000 francs, et l’exposé de la situation financière présenté le 12 juin, dans lequel M. Duclerc venait offrir un ensemble de ressources immédiatement réalisables s’élevant à la