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et il a aujourd’hui la révolution, deux maladies au lieu d’une. L’histoire, qui a porté des intentions de Joseph un jugement plus favorable que de ses actes, ne peut qu’enregistrer la sentence qu’il rendit sur lui-même. A son heure dernière il demandait qu’on écrivît sur sa tombe : « Ci gît Joseph II, qui fut malheureux dans ses meilleures entreprises. »

Joseph II léguait à son successeur une guerre mal engagée avec les Turcs, les Belges en pleine révolte, la Hongrie irritée et menaçante ; à l’horizon, la guerre près d’éclater avec la révolution française. Tous les périls d’une telle situation ne devaient pas. sans doute, lui être attribués ; la triste part que son caractère avait eue dans les malheurs de l’empire est assez clairement marquée néanmoins par la facilité avec laquelle son successeur remit tout dans l’ordre en y rentrant lui-même.

La révolte était au moment de soulever la Hongrie ; les concessions in extremis de Joseph II n’avaient fait que donner le secret de sa faiblesse : c’était l’aveu du droit des mécontens et de la légitimité de leurs plaintes. Un parti nombreux se regardait comme affranchi du serment de fidélité par la violation de la constitution. Léopold II se hâta de convoquer les états à Pesth. Malgré la réputation populaire que lui avaient acquise vingt ans de règne en Toscane, malgré les proclamations qu’il s’empressa de publier pour abolir les nouveautés introduites par Joseph II, la diète fut orageuse : il se trouva un grand nombre de députés qui, tout en protestant de leur dévouement pour la personne de Léopold, se refusaient à admettre ses droits comme successeur d’un roi parjure. Ils demandaient une élection nouvelle ; ils voulaient bien le déclarer roi de Hongrie, mais en vertu du droit primitif qu’avait la nation de pourvoir à l’élection de son souverain, et non en vertu du droit héréditaire de la maison d’Autriche, reconnu en 1687. Léopold fut obligé de temporiser ; il ne fut reconnu roi héréditaire de Hongrie qu’à une seconde diète, lorsqu’il eut pleinement convaincu les Hongrois de sa volonté sincère de ne rien conserver de l’œuvre de Joseph II. Alors le primat du royaume plaça sur son front la couronne de saint Étienne au milieu des acclamations des états, avec lesquels « Léopold venait s’entretenir, dit-il, non comme un roi et un maître, mais comme un père. » Les états, après sa mort, lui confirmèrent ce nom, et le préambule de la diète de 1792 l’appelle le père de la patrie.

Pour énumérer les actes législatifs qui valurent ce titre à Léopold, il suffirait presque de prendre le contre-pied des réformes de Joseph II. Tous les décrets, tous les privilèges accordés par Joseph II qui n’avait pu être couronné roi de Hongrie, furent déclares abolis, ceux même qui étaient conformes aux lois ne devant valoir qu’après avoir obtenu