Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 23.djvu/412

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le règlement de Marie-Thérèse, une portion de la contribution militaire s’acquitte en fourrages. Il en résulte que presque toutes les garnisons de cavalerie autrichienne sont établies en Hongrie. Au lieu de les distribuer selon les besoins de la défense, on les place là où il y a des fourrages à recevoir et à consommer.

Il paraît évident que c’est aussi dans ces premiers établissemens de saint Étienne qu’il faut chercher les bases de l’institution militaire particulière à la Hongrie, et connue sous le nom de l’insurrection. L’insurrection est la levée en masse des forces militaires du pays, le service personnel que chaque détenteur de fief doit à ses propres frais pour la défense du royaume. Souvent, au moyen-âge, les règlement de l’insurrection ont varié, mais le principe s’est conservé entier. Quelquefois, au devoir personnel on a ajouté l’obligation de fournir un certain nombre de soldats armés, en raison du nombre de serfs attachés à chaque domaine[1].

Malgré la forte constitution donnée par saint Étienne à la noblesse, il s’était formé, dès le règne de ce prince, une classe intermédiaire composée soit de serfs, auxquels on avait donné la liberté après leur conversion au christianisme, soit, au contraire, d’anciens nobles restés païens, et auxquels, pour ce motif, on refusait les prérogatives dont jouissait le corps de la noblesse, car le zèle du roi ne négligeait point les moyens temporels qui pouvaient favoriser la propagation du christianisme. On appelait ces anciens nobles homines liberi ou jobagiones regii, parce qu’ils ne relevaient que du roi. Cette classe se fondit plus tard dans la petite noblesse ou s’établit dans les villes libres.

Après saint Étienne, c’est à André II (1222) que les Hongrois font remonter l’origine de la plupart de leurs libertés. Dans l’intervalle qui s’était écoulé du premier roi chrétien jusqu’à lui, l’autorité royale avait fait des progrès assez considérables, et les privilèges de la noblesse avaient été entamés sur plusieurs points ; mais André, entraîné aux croisades comme la plupart des princes de cette époque, retrouva,

  1. Le nombre a varié depuis un pour vingt jusqu’à un pour neuf. En général, on devait fournir un soldat armé pour vingt serfs ; de là, pour compléter et rectifier une explication donnée dans notre première étude sur la Hongrie, le nom de hussard. Ce nom signifiait primitivement, non pas cavalier, comme nous l’avons dit, mais le cavalier pris sur vingt hommes. Les rois, et notamment Joseph II, ont souvent essayé de remplacer ce service par une contribution de guerre qui aurait permis d’entretenir un plus grand nombre de troupes. Les nobles hongrois s’y sont constamment refusés ; ils ne voient pas là seulement une charge, mais un droit de la noblesse. Dans la première guerre de la révolution, l’insurrection, placée sous le commandement du palatin, s’éleva à 50,000 hommes. En 1809, elle donna 40,000 hommes de troupes actives, 50,000 hommes de gardes sédentaires pour l’intérieur, indépendamment de 30,000 hommes de recrues. Dans les temps ordinaires, le recrutement s’effectue d’ailleurs, parmi les paysan, dans les proportions fixées par la diète.