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d’un gardien fidèle pour ses économies, les aura dévorées ou perdues. Dans une des courses que j’ai faites aux ateliers nationaux, j’ai entendu une pauvre femme tenant deux enfans par la main, s’écrier douloureusement, à la vue des distractions auxquelles on s’y livrait : « On ferait bien mieux de nous rendre l’argent que nous avons mis aux caisses d’épargne que de le donner à tous ces fainéans » Ce cri exprimait une vérité profonde, et contenait plus de vraie science économique que beaucoup de décrets anciens et nouveaux.

Il n’a pas manqué, depuis quatre mois, de journalistes et de parleurs excitant le peuple contre les riches qui cachent leur argent. Nous avons aujourd’hui infiniment moins de riches et de richesses qu’au commencement de l’année : les fortunes fondées sur le crédit, celles qui alimentent immédiatement le mouvement industriel, se sont évanouies, et nous faisons l’expérience qu’avec toute la bonne volonté du monde de se les partager, on ne peut que les anéantir ; mais, indépendamment de cette triste vérité, il est constant qu’une masse énorme de capitaux, s’est resserrée ou a émigré. Ce dernier parti est celui qu’ont notamment pris les capitaux étrangers qui affluaient sur la place de Paris. La loyauté dont fit preuve le gouvernement en 1814 et en 1815 les attira de tous les coins de l’Europe, et depuis lors ils ont repris le même chemin toutes les fois que nous avons ouvert des emprunts ou construit des chemins de fer. Ils s’engageaient avec une égale sécurité dans une multitude d’entreprises particulières. Si ce mouvement s’est arrêté, si les capitaux français se sont éclipsés, si la confiance s’est retirée du gouvernement et par suite des individus, à qui la faute ? Pour répondre, il n’est pas même nécessaire de recourir aux discours insérés au Moniteur, il suffit du Bulletin des Lois. En soixante-neuf jours de durée, indépendamment d’une quantité de mesures créant des dépenses indéterminées, dont quelques-unes, celles des colonies, par exemple, se compteront par centaines de millions, le gouvernement provisoire s’est ouvert, sur le seul exercice de 1848, pour 206,183,035 francs de crédits extraordinaires. Une pareille assertion a besoin d’être justifiée. Voici, par numéros d’ordre et par dates, le détail de ces crédits insérés au Bulletin des Lois.

10. février 24. Dégagemens des effets déposés aux monts-de-pïété pour prêts de 10 fr. et au-dessous Mémoire.
19. 26. Adoption des enfans des combattans morts en février. Id.
20. 25 Vivres. — Pain pour la garde nationale Id.
21. 25. Vivres. — Viande et vin pour la garde nationale et les citoyens dans le besoin Id.
62 Mars 5. Allocation de 25 fr. par jour à chaque représentant Id.
77. 7. Élévation de l’intérêt des caisses d’épargne de 4 à 5 pour 100. Id.
113. 7. Guerre. Fortifications de Paris et constructions diverses. 2,260,000