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voie d’exclusion où ils voulaient l’engager. Avant-hier, on en était à formuler un vote de confiance, une question de cabinet, où ce n’était pas le ministère, où c’était la commission elle-même qui déposait sur la tribune ses portefeuilles quasi-royaux. Il est vrai qu’elle ne risquait rien. Il s’agissait d’un crédit de 100,000 francs par mois pour dépenses de sûreté générale, c’est-à-dire pour les frais de police particuliers à la commission. Ce n’est point en république qu’on marchande les fonds secrets, et il y avait d’ailleurs une certaine impropriété dans un débat ainsi présenté à l’assemblée nationale. Une assemblée qui peut déposséder le pouvoir exécutif du moment où il lui déplait n’a pas besoin, pour le renverser, de ces détours trop savans dont il fallait user quand le pouvoir exécutif relevait avant tout de la prérogative monarchique. Le directoire a donc emporté ses 1,200,000 francs, et la question de confiance n’a presque pas été abordée.. On l’avait soulevée par impatience, sur le bruit très authentique qu’au milieu de l’anxiété générale, la commission s’épanouissait dans une béatitude qui n’était qu’à son usage. Un orateur plus courageux qu’expérimenté, M. d’Adelswaerd, a vivement appuyé sur les plaies mal couvertes par cette béatitude désolante. M. de Lamartine, dans un discours qui n’était point, tant s’en faut, un monument, a glorifié son œuvre et celle de ses collègues ; il a renouvelé, par une adhésion très banale et très incontestable, son serment de fidélité vis-à-vis de la famille et de la propriété ; enfin il a protesté de l’union touchante qui régnait entre tous les membres du gouvernement. Le tambour du dehors et les coups de pistolet napoléoniens aidant à la chose, l’accueil qu’on a fait à cette éloquence trop sensiblement ramollie n’a été que froid. Il eût été glacial sans les intermèdes.

Nous serions, pour notre part, très curieux d’apprendre comment cette déclaration de bonne entente et d’intime union, si généreusement exprimée au nom du pouvoir tout entier, s’accorde cependant avec l’attitude extérieure, avec les démarches publiques des différens dépositaires du pouvoir. Nous avons encore sous les yeux les scènes pitoyables de l’autre semaine, et, pour ainsi parler, les scandales de gouvernement dont l’assemblée a subi le spectacle dans l’affaire de M. Louis Blanc. Loin de nous la fantaisie de toucher aux cendres de M. Crémieux ; la fantaisie serait maussade. Il faut l’amère et persévérante rancune de M. Jules Favre pour fouiller encore, comme il le faisait hier, cette pauvre ruine ministérielle dont il jetait dédaigneusement la poussière à la face de M. Ledru-Rollin. M. Crémieux s’est dissous devant un rayon de vérité, comme ces corps desséchés qui tombent en poudre, si, par aventure, ils sont frappés d’un rayon du jour. M. Crémieux n’est plus ; mais, du temps qu’il était, écoutez M. Jules Favre, l’ancien sous-secrétaire d’état aux affaires étrangères : vous allez savoir comme le cabinet, comme le directoire, marchaient d’ensemble et d’accord. Poursuivra-t-on M. Louis Blanc ? exilera-t-on Louis Bonaparte ? L’un disait oui, l’autre non. Le hasard de la discussion définitive, la fortune des combats parlementaires, peut-être bien quelques soudaines influences, quelque urgence inattendue, décidaient qui avait droit ou qui avait tort. C’est ainsi que M. Portalis et M. Landrin ont été désavoués sur le champ de bataille par le chef de leur ordre, qui les y avait lui-même conduits. C’est ainsi que M. Napoléon Bonaparte recevait du ministre de l’intérieur l’assurance authentique qu’il n’y aurait point de mesures prises contre son parent, à l’instant même où on les dictait ailleurs.

Quel échange exemplaire de confidences et de bons rapports ! Tout le gouvernement marche comme un seul homme ! Oui, vraiment ! voyez donc M. Flocon se