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premières aux nombreux métiers à tisser qui sont répandus dans la ville et dans les environs. Les ouvriers en coton sont ici, comme presque partout, un objet de commisération, et le contraste qui règne entre leur débilité et la vigueur des gens de mer ne détermine aucun d’entre eux à changer de profession ; les habitudes attachent des serfs aux manufactures comme jadis les institutions à la glèbe. Chétives et valétudinaires, les familles de tisserands sont surtout disséminées dans la campagne ; elles louent à très bas prix dans les fermes des réduits obscurs et humides. Depuis quelques années, le prix du tissage à la main est descendu de moitié, pour se mettre au niveau de celui du tissage à la vapeur ; il suffit à peine aujourd’hui aux plus étroites nécessités de l’existence journalière, et, quand le travail s’arrête, les familles d’ouvriers, traquées par la faim, n’ont de refuge que dans la mendicité ; elles vont alors de ferme en ferme implorer la pitié, heureuses quand elles n’arrivent pas au terme de cette oisiveté forcée avec le dédain du travail et le goût du vagabondage. L’administration n’est pas plus en état de fermer ces plaies hideuses qu’elle n’est coupable de les avoir faites. La condition de ces masses de travailleurs infortunés ne peut changer qu’avec celle du milieu dans lequel ils languissent, et la substitution de la culture alterne aux méthodes imparfaites de l’exploitation actuelle serait le remède à leurs maux. Il y a place, en effet, dans les travaux qu’elle comporte, pour les faibles comme pour les forts ; elle appellerait par une amélioration de salaire les bras qui s’énervent dans l’atelier ; la terre doublerait ses produits, et l’homme échapperait à l’oppression de la meurtrière économie avec laquelle la machine à vapeur lui dispute sa subsistance. Si lentes que soient ces sortes de révolutions, peut-être est-il permis de voir dans l’intelligente exploitation des jardins de Fécamp, dans la nouvelle impulsion que va lui donner le chemin de fer, un acheminement vers l’amélioration de la culture. Ces jardins sont amendés avec la vase marneuse du bassin de retenue, fumés avec les écailles, les débris de poissons, les sels de rebut qui reviennent de la pêche imprégnés de matières animales, et la saveur qui en fait rechercher au loin les légumes est attribuée à l’emploi de ces énergiques engrais. Les ports de pêche de la côte devraient tous imiter cet exemple.

VI.


De Fécamp à l’embouchure de la Seine, la falaise ne présente qu’une seule solution de continuité ; c’est celle d’Étretat.

Quiconque a dessiné les falaises d’Étretat est à Paris peintre de paysage ; aussi, pendant la belle saison, le village devient un rendez-vous d’artistes, d’où sont bannies les préoccupations de la bourse et la gêne