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V.


La vallée de Fécamp ressemble à celles de Dieppe et du Tréport, et son histoire naturelle est la même que la leur ; seulement l’envasement y est moins avancé, et les hautes mers de vive eau s’épanchent en arrière du port sur une surface de près de 50 hectares. Dès 1640, cette retenue en était séparée par une digue puissante, construite de main d’homme et convertie aujourd’hui en un quai garni de magasins et de maisons ; elle fournissait alors des chasses imparfaites par les arches d’un pont qui se bouchaient tant bien que mal : une excellente écluse y a été substituée en 1680 ; située vis-à-vis le chenal et à une encablure de l’extrémité des jetées, elle agit énergiquement sur les masses de galets qu’y jettent les vents d’ouest. Leur invasion est, la plupart du temps, aussi subite que leur expulsion est lente ; l’entrée de la vallée, ouverte dans un redan du rivage, reçoit en écharpe les lames et les galets que balaient devant eux les vents parallèles à la direction générale de la côte. C’est ainsi que, dans la tempête de 1663, qui est long-temps restée dans la mémoire des marins de la Manche comme égale en violence aux plus terribles ouragans des mers de l’Inde, le chenal disparut, et le port fut à demi comblé sous une coulée de galets, qui s’y précipita comme la lave d’un volcan. Le travail opiniâtre des habitans, ultérieurement combiné avec l’action des chasses, parvint à rétablir le port.

De grandes améliorations ont été, depuis dix ans, apportées à l’état du port de Fécamp ; elles n’ont point été improductives ; le matériel naval, qui consistait, en 1836, en 113 navires jaugeant 6,892 tonneaux, comprenait, en 1846,159 navires et 8,886 tonneaux. Un embranchement du chemin de fer de Dieppe va féconder encore ces travaux, et, placés dans des conditions égales, les deux ports que desservira cette voie se suppléeront réciproquement, suivant les circonstances du temps et de la mer, pour la réception des marchandises encombrantes qu’il serait trop dispendieux d’entreposer au Hâvre.

Fécamp compte aujourd’hui dix mille ames, et comprend, si ce n’est deux villes, du moins deux populations, l’une maritime, l’autre agricole et industrielle, si différentes de mœurs et de caractères physiques, qu’on a peine à les croire de la même race. Resserrée entre le bassin de retenue et le coteau du sud, la ville s’allonge en s’éloignant de la mer. Les constructions se multiplient aujourd’hui dans le quartier de la marine ; on y trace des rues, et les jardins y disparaissent. Le quartier du haut, groupé autour de l’ancienne abbaye, reste étranger à ce mouvement : il doit aux chutes d’eau du ruisseau de Valmont le voisinage de plusieurs filatures de coton ; indépendamment des ouvriers qu’elles emploient directement, elles fournissent des matières