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derniers, le style hiéroglyphique, je maintiens l’expression, est beaucoup moins simple ; les signes qui sont, on s’en souvient, tantôt des lettres, tantôt des mots, offrent une étrangeté et une complication qu’on ne trouve point sur les anciens monumens. Si l’inscription de Rosette avait mille ans de plus d’antiquité, elle eût été déchiffrée plus facilement. Mais, direz-vous, on a le grec qui peut donner le sens de l’égyptien ? Le sens général sans doute, mais pas toujours, je puis l’assurer, une version parfaitement littérale. C’est à tous ces obstacles qu’il faut s’en prendre si nous n’avons jusqu’ici de l’inscription de Rosette que la traduction d’un certain nombre de phrases seulement[1].

Ce qui précède se rapporte au texte hiéroglyphique de l’inscription de Rosette. Quant au texte démotique placé au-dessous du premier, il a été, dans ces derniers temps, l’objet d’une découverte importante. Rien n’a été publié de Champollion sur le démotique. On nomme ainsi de certains caractères entièrement différens des hiéroglyphes, et qui semblent avoir été d’un usage plus général. Bien que les hiéroglyphes, ainsi que nous l’avons vu, ne fussent point, comme on l’a dit, la propriété exclusive des prêtres, l’écriture démotique ou populaire (c’est le sens de ce mot) était fréquemment employée. On possède des contrats démotiques en assez grand nombre, et je n’ai pas vu de monumens, en Égypte, où quelque inscription démotique n’ait été gravée, probablement par la dévotion des voyageurs. Enfin un papyrus très précieux, le papyrus de Leyde, offre un certain nombre de mots écrits en caractères démotiques, accompagnés de leur transcription en caractères grecs. Le papyrus de Leyde étant postérieur de plusieurs siècles à la pierre de Rosette, l’alphabet fourni par les transcriptions en lettres grecques que renferme le premier ne peut suffire pour lire le texte démotique conservé sur cette pierre. Voilà où en étaient les choses[2], quand M. de Saulcy a publié un alphabet démotique plus complet qu’aucun autre. Appliquant l’instrument découvert par lui à la lecture du texte démotique de Rosette, il y a trouvé des mots dont le sens, expliqué à l’aide du copte, se rapporte au sens contenu dans le texte grec. M. de Saulcy poursuit l’épreuve de sa méthode en l’appliquant à toute la partie conservée

  1. Champollion en a donné quelques-unes dans sa grammaire. Savolini avait commencé une traduction analytique de l’inscription de Rosette.
  2. Depuis, M. de Saulcy a publié en un volume in-4o de 262 pages la traduction d’une partie notable du texte démotique de Rosette, établie sur une analyse approfondie de ce texte déchiffré pour la première fois. Il est impossible que, dans un travail si hardi et si nouveau, des erreurs de détail n’aient pas échappé à M. de Saulcy ; mais il est encore plus impossible que la science n’ait été considérablement avancée par ce travail. Une nouvelle épreuve vient de confirmer les principes de M. de Saulcy. Ce savant a lu récemment à l’Académie des inscriptions la traduction d’un morceau écrit en caractères démotiques. Il y est traité du dieu Aramon. M. de Saulcy regarde ce fragment mythologique comme ayant été écrit à Alexandrie vers le temps de Dioclétien.