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aujourd’hui professeur d’archéologie à l’université de Heidelberg, vient de publier une étude complète sur les inscriptions latines, comparées aux éloges historiques que contient le livre du roi de Bavière. M. Zell se demande quel est le vrai style des inscriptions, quelle est la forme la plus belle, la forme classique des éloges, et, parcourant l’histoire littéraire depuis les monumens antiques jusqu’aux portraits des hôtes du Walhalla, il conclut que le roi Louis a retrouvé un art qui s’était perdu. Tout cela est accompagné de notes, de citations, de dissertations, et, pour couronner ce laborieux panégyrique, l’auteur traduit en latin quelques-uns de ces incomparables éloges. Voilà le barbare sous la toge romaine, et chacun peut admirer la conformité parfaite des éloges du roi Louis avec les plus belles œuvres de l’épigraphie antique. Ce livre a paru l’année dernière, et la critique érudite l’a apprécié avec toute la gravité convenable. En vérité, si M. Charles Zell n’était pas un homme si bien en cour et un si sérieux archéologue, on serait tenté de croire que c’est là une des meilleures satires dirigées contre les ridicules du roi de Bavière ; mais qu’importe l’intention, si le résultat est le même ? Pour moi, je sais un poète qui partage l’avis de M. Zell. On a lu, ici même, les aventures d’Atta-Troll[1], racontées par M. Henri Heine avec une gaieté si fantasque et une si étincelante poésie. Lorsque l’ours d’Henri Heine est tué par les balles enchantées de Lascaro, le poète lui doit une sépulture, et il convient de placer sur la tombe du héros une de ces inscriptions qui résument toute une vie. Or, c’est au roi de Bavière que M. Henri Heine s’adresse tout naturellement :

« Un jour, le roi de Bavière lui élèvera une statue dans le panthéon Walhalla, avec cette inscription en style de sa façon wittelsbachienne :

« Atta-Troll, ours sans-culotte, égalitaire sauvage, époux estimable, esprit sérieux, ame religieuse, haïssant la frivolité.

« Dansant mal, cependant ! portant la patrie dans sa velue poitrine. Quelquefois aussi ayant pué. Pas de talent, mais un caractère. »

On voit que M. Henri Heine est de l’avis de M. Charles Zell. Pourquoi donc M. Zell a-t-il oublié l’inscription funéraire d’Atta-Troll dans ses savantes études ?

Ces Portraits du Walhalla ne sont pas seulement le spécimen très curieux d’un art nouveau, ils contiennent les vues de l’auteur sur les plus grands siècles et les glorieux enfans de l’Allemagne. C’est une histoire des races germaniques, non pas en madrigaux comme cette histoire romaine dont parle Mascarille, mais en statues, en statuettes, en bustes, et dans la forme que je viens d’indiquer. Cela vaut bien la peine qu’on l’examine de près. J’ai déjà dit avec quelle complaisance l’auteur s’occupe des Germains primitifs ; s’il y en a pour qui l’éloge soit

  1. Voyez la livraison du 15 mars 1847.