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La cime du chêne, c’est le cœur inconstant, le cœur fragile du roi de Bavière ; les souffles qui l’agitent, ce sont les aventures de passage, ce sont ces fantaisies aussi nombreuses en effet, aussi rapides que le vent des montagnes ; mais le sol nourricier (c’est la reine) tient fortement les racines de l’arbre. Que dites-vous de ce mélange ? N’est-ce pas un chef-d’œuvre de goût, un pur modèle des convenances exquises ? Et cette apologie imprévue : « Je t’aimerais moins, si je ne les avais aimées ! » Ce n’est pas seulement une excuse pour le passé, il y a là tout un système ; nous pensions lire les confessions d’un libertin, et nous rencontrons de la poésie morale.

Il y a neuf ans que ce recueil a été publié ; les vers les plus intéressans ne s’y trouvent donc pas. Il faut espérer que le roi Louis profitera des loisirs qu’il s’est faits pour nous donner ses plus récentes, ses plus curieuses impressions. L’étrange épisode qui a terminé son règne ne peut être oublié dans un journal qui reproduit assez exactement les principales phases de sa destinée. Qui sait ? ce que la postérité cherchera tout d’abord dans les poésies du monarque, ce seront peut-être les aventures du roi Louis et de Lolla Montès. N’est-ce pas, en effet, un des événemens les plus inattendus de ce règne ? N’est-ce pas alors que le pouvoir des jésuites, si redoutable jusque-là, a été tout à coup renversé ? On sera empressé de connaître tous les secrets de cette péripétie ; on voudra savoir comment ce prince, l’un des restaurateurs du moyen-âge, nous a fait subitement assister aux scènes édifiantes du XVIIIe siècle. Quoi donc ! nous vivions au milieu des moines blancs et noirs, nous n’apercevions autour de nous que de jolies petites églises gothiques, de mignonnes églises byzantines et des statues à la mode du XIIe siècle, de prétentieuses études d’archaïsme sur des fonds d’or ; nous étions transportés au sein d’un moyen-âge musqué, paré, enluminé, et tout à coup, sans la moindre transition, voici venir Mme la marquise de Pompadour, qui chasse les jésuites et protège les libres penseurs. Certes, du moyen-âge au XVIIIe siècle, du règne des moines au règne des courtisanes de Louis XV, le saut est brusque, et jamais, sur aucun théâtre, la brillante danseuse n’avait obligé son partner à de si rapides évolutions. Par malheur, si le moyen-âge est un anachronisme, le XVIIIe siècle, sur ce point-là surtout, appartient aussi à un passé qui ne doit plus renaître. Les patriotes allemands refusèrent cette insolente protection, et les patriotes firent bien. Il leur parut que la liberté serait souillée par une donation impure, et que ce péché originel la marquerait long-temps d’un signe funeste. J’ai sous les yeux une brochure de M. Venedey, qui exprime avec vivacité la plus honnête, la plus énergique répulsion pour cette indigne victoire. Mieux vaut une déroute en effet, mieux vaut tomber sous son drapeau que d’obtenir ainsi un triomphe de hasard, grace aux caprices d’une courtisane. Cette réclamation si